Vous connaissez tous Wechat, l’app chinoise qui ressemble à Whatsapp avec ses 1 milliard d’utilisateurs dont 900 millions l’utilisent au quotidien en moyenne 3h par jour ce qui représente 70 % du temps passé sur leur smartphone. Sorte de super WhatsApp qui en plus de la messagerie et des discussions offre de multiples fonctionnalités très bien intégrées notamment le paiement par QR Code ! On fait tout dans Wechat … ce qui intéresse au plus haut niveau les marques et les fabricants d’OS qui aimeraient voir un peu plus ce qui s’y passe.
L’histoire de Wechat
Rappelons que Wechat est une filiale de TENCENT dont le business model est le jeu vidéo. La mission donnée par Tencent à Wechat est de simplifier la vie au maximum pour que les gens aient plus de temps pour jouer à aux jeux vidéos.
Sur cette flèche chronologique démarrant en Janvier 2011 on voit que la pénétration a été très rapide pour capturer, en moins de 10 ans, 1 milliard d’utilisateurs chinois et quelques 120 millions à l’étranger.
Si l’on se focalise sur le lancement de Wechat Pay en août 2013, le succès est encore plus rapide en terme d’adoption puisqu’en 4 ans … 1.2 Milliards de Chinois sont devenus “cashless”. On a pu le vérifier par l’absurde car nous, touristes Européens, avions du mal à payer nos restaurants étant donné que nous ne pouvions pas, en tant qu’étrangers, mettre notre carte de crédit sur notre compte Wechat. Nous devions donc trouver un chinois qui accepte, en échange de notre cash, de payer nos factures, certains restaurants refusant nos moyens rétrogrades de paiement, que ce soit notre Carte VISA ou nos euros.
Nos interlocuteurs, au cours de la semaine, se rendaient compte, lorsque nous les questionnions sur cette transition, que, depuis 4 ans, petit à petit dans leur vie de tous les jours, ils en étaient arrivés à ne plus avoir de portefeuille. Leur smartphone suffit pour tout ce qu’ils ont à faire pendant la journée.
Prenons du recul pour admirer la performance de cette transition dans les usages. Elle est liée, pour une partie, à l’ergonomie parfaite de Wechat à base de QR code et aussi, pour une autre partie, à l’aspect leapfrogging que nous avons déjà bien documenté – à savoir qu’il est plus facile pour une société chinoise, qui n’a jamais connu les cartes de crédit, ni les chèques, de passer directement à la situation actuelle.
Par contraste, nous mesurons bien la difficulté que nous avons, nous européens civilisés, à quitter nos habitudes de cash, de cartes de crédit et chèques. Rappelez-vous les expériences Moneo et autres portefeuilles virtuels qui n’ont jamais vraiment pris car ce n’étaient pas des solutions seamless (sans couture). De même, aujourd’hui, les Revolut, Apple pay ou autres qui ne sont pas véritablement seamless sont probablement condamnés à disparaître. (Pour utiliser Revolut, il faut télécharger puis lancer l’appli, avoir chargé sa carte ou avoir fait un virement avant de pouvoir faire l’utiliser comme moyen de paiement. Sur Wechat, on scanne un QR Code et le paiement est fait.
Seamless : parapluies en Free FLoating
Pour illustrer le terme de seamless, nous avons vu à Shenzhen une application extraordinaire avec des parapluies en “Free FLoating”. Le Free FLoating a été inventé en Chine il y a 4 ans avec les vélos. Il s’agit de la mise à disposition d’un bien partagé sans aucune infrastructure à l’image des vélos Ofo ou des trottinettes MIle.
Vous voyez sur cette photo un super parapluie de golf qui ne peut s’ouvrir que quand on a la combinaison. Il en traîne partout dans les halls d’hôtel, pas besoin d’infrastructure comme le vieux système avec porte parapluie et avec clef que vous voyez sur la deuxième photo ci dessous.
- on scanne le QR code avec son Wechat
- on reçoit immédiatement un SMS avec le code qui permet d’ouvrir le parapluie.
- et lorsqu’on referme le parapluie et qu’on le laisse à destination, le règlement est automatiquement débité du compte Wechat .
Imaginez une start-up voulant lancer ce modèle en France. Éventuellement certains early adopteurs passionnés, déchargeraient l’appli de l’App Store, rentreraient leur numéros de carte de crédit et ensuite pourraient utiliser ce service s’ils trouvent des parapluies quand il pleut. 95 % des gens vont dire que c’est un trop compliqué pour payer quelques centimes à un loueur de parapluie et donc il n’y aura pas d’effets de masse et le projet sera un fiasco. Leçon : Seamless est prépondérant dans toute réussite de projet.
La nouvelle aventure de Wechat : les mini programmes
Comme nous l’avons vu, les marques aiment bien les fonctionnalités basiques de Wechat qui permettent une transaction très efficace. Mais, jusqu’aux mini programme rien ne permettait aux marques de capter le client pour du up-sales ou cross-sales sur Wechat, à l’inverse de ce que l’on peut connaître sur les applications proposées dans le App store par les marques.
Wechat a compris qu’il fallait satisfaire les marques sur ce point sans pour autant ouvrir la porte à une potentielle évasion des utilisateurs … d’où l’idée de ces mini programmes.
Comment cela marche ? Vous passez devant la vitrine d’un magasin qui vous encourage à flasher le QR code pour en savoir plus. Le mini programme se lance dans l’application Wechat sans prendre trop d’espace mémoire. Vous avez ensuite une expérience utilisateur comparable à celle que vous auriez sur une application.
Donc d’un point de vue business c’est le compromis idéal entre l’application d’un côté et le site web en HTML5 version Dynamique de l’autre. En effet vous avez tous les avantages en terme d’expérience utilisateur et performance comme sur une appli … sans en avoir les désavantages en terme de coûts de développement et d’adoption marketing élevés.
Aujourd’hui, après 18 mois, c’est un véritable raz de marée avec 580 000 mini programmes développés par 1 million de créateurs formés et un taux d’utilisation de 170 millions d’utilisations par jour.
Comment Wechat compte conquérir le monde ?
La réponse est simple : grâce aux 130 millions de touristes chinois qui visitent les capitales mondiales et qui y dépensent plus que les touristes américains ! Wechat explique donc qu’il faut arrêter de demander aux clients chinois de payer en cash (ce qui faisait le bonheur des pickpockets). Les bons commerçants vont devoir accepter les nouveaux modes de paiement dont Wechat Pay.
Comme, d’autre part, le business model de Wechat n’est pas de gagner de l’argent sur des commissions bancaires, ce qui signe la mort probable des bureaux de change, c’est gagnant-gagnant et favorise le déploiement avec des partenariats faciles à signer.
Une fois les principaux magasins de shopping convaincus, la deuxième cible sont les hôtels qui peuvent être payés par le tour opérateur ou par Wechat et surtout les transports en commun. Voyons quand la RATP acceptera un paiement par Wechat mais il faut dire que pour eux la part des touristes chinois doit être beaucoup plus faible que pour les Galeries Lafayette.
Wechat offre aussi un autre avantage énorme : des mini-programmes qui présentent les différentes destinations touristiques à travers le monde. On sent bien poindre la puissance de ces 130 millions d’ambassadeurs chinois à travers le monde qui vont petit à petit faire adopter les solutions de paiement Wechat pay.
Alors nous, en Europe, que faire en Seamless ?
Aujourd’hui, en attendant une solution similaire à Wechat qui pourrait progressivement s’imposer, la seule expérience que nous ayons en Seamless est en quelques sorte Alexa : l’opérateur vocal d’Amazon, boitier généralement posé dans le salon, est capable de vous offrir une interaction Seamless. Avec son intelligence artificielle, il est comprend aujourd’hui vos messages simples et demain les plus compliqués ; vous pourrez lui dire par exemple “n’oublie pas de prévenir mon épouse que ce soir on doit être à 19h à l’Opéra et aussi commande mon panier habituel de produits frais pour livraison demain matin”. L’intelligence artificielle comprendra qu’il s’agit de deux messages différents qu’il passera dans deux verticaux de votre vie ou deux applications sous-jacentes différentes. Ceci est donc une expérience Seamless à partir de la voix. En sous jacent il y a toujours la crainte que les données personnelles captées par Amazon servent à autre chose qu’à vous simplifier la vie… et, pour être parfaitement clair, comme nous l’avions déjà évoqué lors de notre dernier voyage de veille au CES, Il y a tromperie derrière Alexa car l’objectif premier de cette intelligence artificielle n’ai pas de vous simplifier la vie mais bien d’augmenter le chiffre d’affaire d’Amazon.
Bref dans toutes ces offres on peut choisir son Big Brother, Wechat ou Amazon … mais il y a toujours un Tiers de Confiance à choisir soigneusement.
Pour InnoCherche – Septembre 2018