Retour économie circulaire.

Changeons de perspective : “dans 10 ans, le jetable est interdit”

Pour arriver à penser les choses autrement, nous avons déjà baptisé notre Think Tank « Retour économie circulaire ».  Aujourd’hui il faut peut être donner une échéance pour ce retour, avec une date butoir  « dans 10 ans, le jetable est interdit ».

En effet, si on prend le problème par le petit bout, en disant qu’on va plus ré-utiliser, et/ou prolonger la vie, augmenter l’usage, recycler, … on regarde des tas de petits bouts de solutions, des tas de sparadraps à coller sur des jambes de bois …  mais on n’est pas dans le retour vers l’économie circulaire, on arrive pas à raisonner différemment.

Avec le titre de notre Think Tank “Retour vers l’économie circulaire”, on veut rappeler que cela fait seulement deux siècles qu’on a basculé, avec la révolution industrielle, vers une économie linéaire dans laquelle chacun  pousse les problèmes devant soi, en respectant la loi mais pas plus. Avec la prise de conscience, commencée il y a 20 ans, où l’on comprend que ce n’est plus vivable pour notre maison commune et qu’il faut donc recycler, réutiliser … et tous les mots en “ré”. On s’aperçoit que cela n’avance pas car en fait le problème est mal posé.

Aujourd’hui, quand on regarde autour de nous, on voit juxtaposées des choses qui ont été construites pour durer et qui sont encore là,  immeuble en pierre de taille, voie Romaine, cathédrale, outils  … à côté d’autres de conception moderne non conçus pour durer.  Avant, on faisait des outils qui duraient et qu’on pouvait réparer chez le maréchal-ferrant, des chaussures qui allaient chez le cordonnier, des chemises qui pouvaient se faire  repriser. Et on s’aperçoit qu’il en va de même  pour les objets électroniques à obsolescence programmée … mais pas uniquement, c’est pour beaucoup des objets qui nous entourent, de la maison, à la voiture …  sans parler des objets jetables comme les emballages. Finalement, en gardant le même logiciel qu’avant, on améliore ici et là mais on ne  change pas  de façon de penser et on n’arrivera pas à retourner vers une économie circulaire.

Pour marquer le coup, il faut, comme pour le réchauffement climatique, donner une date à 10 ans sur un principe simple : on va arrêter la fabrication de tout ce qui est jetable. 

 

Ainsi, on ne bannit pas la société de consommation, on bannit la société du jetable.

Rappelons qu’il y a soixante-dix ans en France, dans nos campagnes, il n’y avait pas de ramassage de poubelles et que tout se faisait en autarcie entre les poules, le cochon, le terreau, la grange et le feu. 

D’un certain point de vue, on peut être sceptique et dire qu’au-delà de la force de la formule et de l’échéance, en restant sur les tendances actuelles, on y va progressivement; les ordures sont triées de plus en plus finement et dans certains pays la facturation au kilo par famille de déchets augmente chaque année. En continuant petit-à-petit à monter ces tarifs de mise aux ordures, on arrivera au même résultat de ne plus rien jeter car le coût en sera devenu dissuasif. Alors on reste dans un système linéaire, où l’on pousse son produit devant soi, sans vouloir voir les problèmes occasionnés par ce qu’on jette. Nous avons trop vu des phénomènes de marchés qui ne sont pas toujours vertueux. On finit par se débarrasser de ses poubelles chez les autres en payant.

Cela voudrait dire en continuant cette logique, que des pays à bas coûts se spécialisent dans la gestion des poubelles que nous leur envoyons. Belle application de la théorie contestée de Ricardo (1) sur la lois des avantages comparatifs qu’il faut combattre dans une logique de retour vers l’économie circulaire !

Pour que cela soit réparable, réutilisable, que cela dure, il y a une règle simple : il faut interdire que cela soit un produit jetable.

Ce serait la fin des produits « bas coût », « pas chers » qu’on n’arrive jamais à réparer. Pour certains, ce serait une vision “bobo” élitiste de ceux qui ont les moyens de se payer des objets chers, durables, réparables, non jetables. Pour comprendre que l’on peut construire une société sur ces principes, il faut regarder nos amis suisses qui sont beaucoup plus avancés sur cette voie ayant l’habitude d’avoir des produits chers. Prenons le fameux exemple de la montre. La montre qui dans les années 80 était passée en électronique, c’était la voie de la montre pour tous … qui est devenu un gadget. Et la montre aujourd’hui est redevenue un produit de prestige que l’on garde, que l’on entretient  et qu’on transmet de génération en génération.

Si on regarde quand même autour de nous les objets que l’on n’avait pas il y a deux siècles, ce sont ces objets qui ont l’électricité, des moteurs, du plastique et de l’électronique. Et apparemment, ce sont les quatres sujets qui sont les plus durs à traiter si on ne veut plus jeter, avec bien sûr tout ce qui est emballage. Mais là je dirai qu’il n’y a pas de question technique fondamentale, il y a juste un nécessaire retour vers l’économie circulaire.

Creusons ces sujets : où en est la technique aujourd’hui ? Le moteur à explosion, très compliqué, va disparaître au profit du moteur électrique qui est beaucoup plus simple. Et le moteur électrique peut avoir une durée de vie beaucoup plus longue sans aucune maintenance si il est bien conçu. Tous les produits électriques et électroniques peuvent être conçus de façon robuste et simple aussi. C’est une question d’investissement initial et d’une certaine façon l’électronique aussi… mais bien sûr, tout cela coûte plus cher comme on le voit dans l’armée avec le maintien en condition opératoire des navires de guerre par exemple.

Pour conclure, la Covid nous a montré que des filières  de recyclage complexes n’étaient finalement pas robustes dans une économie linéaire. Par exemple, aujourd’hui en France, il y a des tonnes et des tonnes de papier et de carton recyclés qui ne trouvent plus preneur parce qu’il n’y a plus d’industries locales de fabrication de pâte à papier carton. 

Il arrive un moment où pour progresser il faut changer de logiciel, il faut changer notre façon de regarder et d’envisager les choses. Un problème bien posé dans une formule est à moitié résolu. 

A l’image de ce qui a été finalement bien fait depuis 3-5 ans en ce qui concerne le réchauffement climatique pour sortir de l’énergie fossile avec ce slogan « la décennie de la dernière chance; dans 10 ans on doit être “carbon neutral”, on n’émet plus de CO2 »  – disons donc: « dans 10 ans,  il n’y a plus de ramassage d’ordures, il n’y a plus de possibilité de faire des produits jetables;  Fin de la société du jetable !

 

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(1)  Ou il est expliqué qu’au début de l’ère industrielle les Anglais se sont spécialisés sur les métiers à tisser et les Portugais dans les métiers liés au vin. Or l’histoire à montré que ce n’était pas une solution gagnant gagnant et que les Portuguais ont perdu car il y a moins d’activité annexe dans le vin (fabrication de tonneaux) que dans le métier à tisser (motorisation … et toute la révolution industrielle)