Arnaud Winther livre ses impressions sur le salon

Le salon CES pour Consumer Electronics Show est devenu le rendez-vous annuel et incontournable du digital… La ville de Las Vegas se transforme en salon géant pendant 4 jours.

Pour moi, comme pour beaucoup de français présents cette année, c’était mon premier CES. Au-delà de la technologie, ce sont les tendancesles usages et plus globalement la température de la transformation digitale à l’œuvre actuellement que je suis venu prendre à cet événement !

Alors que je m’attendais à être aussi secoué que lors de mon dernier voyage en Silicon Valley (à lire ici), je n’ai pas eu d’effet « Wahou !!!». Découvrez pourquoi en lisant mon décryptage de cette édition 2016 du Consumer Electronics Show.

 

Keynotes, conférences, salon institutionnel, foire aux startups et foire aux sous-traitants…

Le salon a officiellement débuté le mardi 5 janvier au soir par la fameuse keynote de Brian Krzanich, CEO d’Intel.

Le CES est rythmé en effet par des grandes keynotes : véritables show à l’américaine où les CEO viennent présenter leur actualité.

Intel frappe fort avec son module Curie et la présentation des produits qui l’embarquent : drone autonome qui vous filme en évitant les obstacles, robot compagnon sur une base de gyropode Segway, capteurs en tout genre, réalité augmentée pour le coaching sportif ou la maintenance industrielle…

Au-delà du spectacle que nous offrent ces keynotes, elles sont des vitrines des tendances. Des débats-conférences sont également organisés un peu partout dans le salon et les hôtels alentours.

Le CES en chiffres : 3 600 exposants, 223 000 m2 d’espace d’exposition répartis dans la ville et 170 000 personnes accréditées… Gigantesque !

Les principaux espaces du salon sont : l’hôtel Venitian pour les Keynotes, le Sands expo pour les startups, l’impression 3D, la robotique, les drones, le sport et le smart home, puis le LVCC (Las Vegas Convention Center) pour le salon institutionnel avec les grandes marques…

Chaque partie est un salon à elle toute seule et même si j’ai essayé d’en arpenter l’ensemble des allées, je n’ai dû voir réellement que la moitié du salon !

Voici donc le résumé de ce que j’ai retenu de cette édition 2016…


La maturité des innovations technologiques des dernières années

Une fois de plus, la « loi de Moore » prouve sa pertinence !!! Cette pseudo-loi est une prédiction totalement empirique de Gordon E.Moore, un des créateur d’Intel, selon laquelle les processeurs doubleraient leur capacité tous les 18 mois pour un coût toujours moindre… Ce qui permet d’aller toujours plus loin dans l’exploitation des capacités technologiques : toujours plus puissant, plus rapide, plus petit, embarquant de plus en plus de fonctionnalités…

Cette année, comme depuis 1959, Intel continue à donner raison à son fondateur avec son module Curie présenté déjà au CES 2015… Intel Curie : « un ordinateur de la taille d’un bouton ».

Le CES 2016 était en effet marqué par la confirmation des tendances des 2 dernières années avec des technologies arrivant à maturité et à des prix abordables :

  • Scans et impression 3D

Dans la partie réservée à l’impression 3D les imprimantes fabriquaient des objets en continu, certaines affichant des tarifs aux alentours de 200$ avec des scanners à main permettant de scanner n’importe quel objet au même prix.

Parmi les exemples d’impression 3D qui m’ont le plus marqués car susceptibles de trouver un marché rapidement chez les particuliers : les jouets… Pour moins de 200€ d’investissement (prix affiché d’une imprimante 3D « basique ») vous pourrez fabriquer et créer vous-même vos briques de construction (comme lego ou duplo), circuits de voitures et même les voitures qui rouleront dessus. Rapidement la limite ne sera plus que votre imagination grâce à des logiciels (ou applications) intuitifs et faciles à utiliser.

La prédiction de Jeremy Rifkin dans son ouvrage « La Troisième Révolution Industrielle » où l’imprimante 3D individuelle ou partagée remplacerait les usines ne semble plus appartenir à la science-fiction !

En effet les imprimantes 3D proposent de réaliser des objets toujours plus complexes et multi-matériaux à moindre coût !!!

A quand le smart phone imprimé chez vous à partir d’une imprimante 3D ?

  • Capteurs, traitement de l’information et internet des objets (IOT)

Les capteurs étaient présent partout : sports, santé, nutrition, smart home (maison connectée)…

Le problème, c’est qu’à vouloir tout mesurer, collecter autant d’information… On en fait quoi ? Comment l’exploite-t-on ? Trop d’info tue l’info…

De plus, s’il faut un intermédiaire (le fameux nouveau « tiers de confiance ») différent par manque de compatibilité entre les marques, cela ne va pas vraiment faciliter la vie de l’utilisateur ! Qui sera le tiers de confiance dans le tri et la centralisation de l’information ?

Les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), non présents officiellement au CES (ils reçoivent leurs clients dans des suites d’hôtels alentours) ont bien compris que la guerre allait se jouer à ce niveau.

C’est là que les smart data viendront remplacer les big datas dont on nous rabat les oreilles depuis quelques années ! Intelligence artificielle et machine learning sont donc un enjeu pour pouvoir digérer, trier et servir les bonnes données au bon moment à l’utilisateur final….

Pour le moment IBM semble avoir une bonne longueur d’avance avec IBM Watson (http://www-05.ibm.com/fr/watson/), incarné essentiellement aujourd’hui par le robot Pepper d’Aldebaran (https://www.aldebaran.com/fr/cool-robots/pepper).

Pepper est capable de reconnaître les principales émotions humaines et d’adapter son comportement en fonction de l’humeur de son interlocuteur notamment grâce à IBM Watson. Pepper s’est déjà trouvé une utilité dans un Japon vieillissant pour devenir un compagnon de personnes âgées et de malades atteints d’Alzheimer par exemple. Ce robot compagnon affiche un prix de base de 1 500 € plus un abonnement mensuel.

Samsung quant à lui mise aujourd’hui sur la centralisation de la smart home sur la télé ou le frigidaire connecté… Toute votre maison (éclairages, chauffages de chaque pièces, stores, alarmes, caméras,…) serait contrôlée depuis la tablette incorporée à votre frigidaire (très américain ;-)) capable de vous aider à commander vos courses et à préparer le dîner en fonction de ce qu’il contient ou depuis votre téléviseur confortablement assis dans votre canapé.

  • Réalité virtuelle et réalité augmentée

Les lunettes de réalité virtuelle, permettant de nous immerger dans des environnements 3D comme si nous y étions, ou de réalité augmentée, apportant des informations sur la réalité qui nous entoure, étaient présentes absolument partout.

Les joueurs de jeux vidéo vont se régaler. J’ai pu tester et même rapporter des exemples de lunettes fonctionnant avec nos téléphones portables.

Il est d’ailleurs impressionnant de voir à quelle vitesse les enfants s’approprient leur utilisation et trouvent cela tout à fait normal ! N’oublions pas que ce sont eux les consommateurs de demain…

Accessibles et abordables, il en existe de simples modèles en carton jusqu’à des modèles plus perfectionnées comme les Samsung Gear VR développées avec Oculus (99€ à la Fnac). Ces lunettes offrent une expérience bluffante, surtout en 4D : quand elles sont associées à des sièges dynamiques…

J’ai ainsi testé le « roller coaster » sur le stand Samsung avec ses Gear VR et un siège dynamique : sensations fortes assurées ! Je suis ressorti en sueur et mes sens n’ont pas su faire la différence entre réalité réelle et virtuelle… Les parc d’attraction n’ont qu’à bien se tenir !!!

Pour le gaming j’ai été bluffé par cette démo complètement immersive : le joueur est plongé dans le jeu avec ses lunettes de réalité virtuelle, il coure et se déplace comme s’il était dans le jeu et son arme lui permet de faire « pour de vrai »…

Gaming VR CES 2016 from Arnaud WINTHER on Vimeo.

 

  • Drones et robotique

Les drones et robots jouets se multiplient dans tous les sens… Pas grand-chose de nouveau et de scotchant hormis leur quantité et prix en chute libre.

Seul la démonstration lors de la keynote d’intel du drone muni de capteurs qui vous suit tout seul, vous filme sous différents angles et évite les obstacles… Certainement très utile pour les « X-gamers » ces sportifs de l’extrême !!!

Le superbe stand de Parrot, son nouveau drone et son show de mini drones :

Le drone du chinois Ehang, complétement autonome mais pouvant transporter un passager :

Faut-il voir un nouveau moyen de locomotion ???

Nous pouvons aisément gager sur le fait que ces technologies vont rapidement se démocratiser si elles trouvent un intérêt dans les usages des consommateurs.

Les points limites restent les batteries d’un côté et l’intelligence artificielle pour traiter les informations qui continuent à se multiplier de l’autre…

En terme d’usage professionnel, la « téléportation » d’expertise grâce à la réalité augmentée semble particulièrement intéressante : un expert peut faire un diagnostic ou prodiguer rapidement son expertise à l’autre bout de la planète grâce à cette technologie. Ou, comme le casque présenté sur le stand d’Intel, c’est la machine qui fait le diagnostic et qui donne les directives, le « consommable » devenant le porteur du casque (en l’occurrence le technicien de maintenance industrielle) !!!


Le flop de l’automobile…

Le grand flop du salon est, à mon avis, la partie automobile… Les constructeurs viennent de plus en plus nombreux au CES qui devient presque un salon automobile pour eux. Néanmoins, rien de disruptif de ce côté, les constructeurs continuent à penser à eux plus qu’aux utilisateurs. Du coup ils semblent dépassés par les évènements et dans une course pour ne pas être distancés sans savoir où ils vont. Le spectre de l’Apple car (L’Apple Car est un secret de Polichinelle), de Faraday (http://www.faradayfuture.com/) et de Tesla (https://www.teslamotors.com/fr_FR/) n’y est probablement pas pour rien !!!

La keynote de Dr. Herbert Dies, CEO de Volkswagen n’avait aucun intérêt et celle de Mary Barra, la CEO de GM, était sans saveur… comme des exercices obligés voir contraints (par l’actualité de Volkswagen par exemple).

Le concept car de la startup californienne à capitaux chinois : Faraday !


Partenariats et disruption…

Par ailleurs, en plus de la maturité des technologies citées précédemment, les autres points forts que je retiendrai du CES 2016 seront la logique de partenariats des sociétés installées qui se transforment, à l’instar de Samsung, et la disruption des majors de l’Entertainment par Netflix et potentiellement de Netflix par Google via Youtube…

En effet, Samsung n’est pas une firme réputée pour son ouverture : le coréen étant plutôt réputé rigide et autocentré… C’est donc remarquable de voir le CEO de Samsung mettre en avant « openness / interoperability / cross-industy collaboration » et partager la scène avec 5 sociétés (Corning, Microsoft, Goldman Sachs, BMW et Ascott).

Reed Hastings, CEO de Netflix, est venu expliquer lors de sa keynote comment il allait disrupter l’industrie du cinéma après avoir disrupté la télévision… Netflix se positionne donc, en plus de diffuseur de contenus en streaming vidéo, comme un producteur de contenus : films et séries. Netflix se targue de connaître mieux que quiconque les utilisateurs grâce au fait d’être entièrement digital (Netflix sait qui regarde quoi, quand, combien de temps et a la capacité de tester ses hypothèses sur des échantillons de clients – A/B testing) et de permettre une créativité débridée grâce à sa culture managériale.

Netflix ambitionne toujours d’être en mesure de devancer vos envies et de répondre parfaitement à vos souhaits avant même que vous les exprimiez… Message absolument pas subliminal : les majors de l’entertainment hollywoodien ne sont pas capables de rivaliser avec Netflix et d’avoir une connaissance aussi intime des consommateurs. N’ayant pas de réel concurrence et avec une présence mondiale, Netflix se voit bien dominer rapidement le secteur !

C’est là que Youtube arrive en rappelant à Netflix qu’il est mieux implanté que lui… Youtube, compte bien s’attaquer au marché de la musique (face aux Deezer, Spotify et Apple music), se positionner sur celui émergeant de la réalité virtuelle (grâce à une caméra permettant de diffuser du contenu) et venir se frotter à Netflix…

Même si les discours de Netflix et de Youtube ne sont aussi directs que cela… Les messages sont clairs !

A suivre…


Conclusion

Le CES est un salon à la hauteur de la ville de Las Vegas : de la démesure, du show et des paris sur l’avenir…

Cette édition 2016 ne sera pas marquée par des innovations technologiques mais par une confirmation de la maturité de celles des dernières années.

La frénésie que l’on peut constater sur le salon montre bien que la guerre pour devenir les acteurs de l’économie de demain est en train de se jouer et que personne ne sait qui en sera le vainqueur ni même s’il existe déjà !!!

La règle du digital est très claire : seul l’utilisateur aura le dernier mot (user expérience) et son choix d’adoption de nouveaux usages est imprévisible. Le CES vient donc confirmer une chose : la limite de la disruption n’est pas la technologie.

Je conclurai ce post par un peu de chauvinisme et par ma fierté d’être français quand je me promenais dans la partie du salon réservée aux startups. En effet, la French Tech était bien représentée, en nombre (190 startups au niveau 1 du Sands expo et près de 30 sociétés) et en qualité. Quant à mon stand préféré, il restera celui du français Parrot avec son show de mini-drones au Las Vegas Convention Center.

Je regrette juste de devoir aller à l’étranger pour ressentir un dynamisme français… Le dynamisme est réel mais le français est toujours aussi doué pour voir le verre à moitié vide et jamais à moitié plein !!! Notre problème est bien notre état d’esprit individualiste et auto-centré (le protectionnisme n’y est-il pas pour beaucoup ?). N’est-il pas plus facile de se lamenter que de se prendre en main ???

A mon sens, le digital est une chance inouïe pour faciliter et accélérer le changement de civilisation que nous vivons… Il aide à redonner le pouvoir à l’utilisateur, permet de faciliter la créativité et l’esprit d’entreprise. De plus, le digital inverse la donne du marketing tout comme il remet le citoyen-salarié-consommateur au sein de son entreprise (d’où la nécessité de plus en plus forte de libérer les entreprises de leurs procédures et de leurs hiérarchies de pouvoir obsolètes).

Surfons sur cette vague du digital et transformons notre Société et nos sociétés par la même occasion !!! Arrêtons d’en avoir peur et de nous replier sur nous-même…

Le CES est donc un rendez-vous incontournable pour les acteurs du digital. Pour ceux qui veulent venir ressentir les tendances comme moi, il faut réussir à aller au-delà des strass et paillettes de Las Vegas pour essayer de voir et de comprendre les nouveaux usages qui pourraient émerger derrière la technologie.

Vous trouverez en complément le compte-rendu du voyage d’Innocherche ici.

Pour ma part, c’est probablement ma visite chez Zappos et son fonctionnement atypique (vendeur de chaussures en ligne racheté par Amazon) qui m’a le plus intéressé durant mon séjour à Las Vegas… Cela fera l’objet de mon prochain post.

 

Arnaud WINTHER
18 janvier 2016