Les principaux messages de la 1ère « Interférence InnoCherche » sur
“Fin de la GlobalTech: tout est lié”
- Habitués à une GlobalTech sans barrières qui a permis à chacun la possession d’un smartphone avec lequel nous avons accès à tout, nous découvrons depuis 4 ans que cette GlobalTech n’est pas pérenne. Brutalement avec l’arrivée de Trump, la guerre commerciale a mis fin à ces pratiques de libre échange en prenant comme principale cible Huawei. Dans un premier temps, il y a eu interdiction pour tout fabricant américain de lui livrer des semi-conducteurs puis, dans un deuxième temps, beaucoup plus sévèrement, interdiction à tout industriel, américain ou non, d’utiliser un bout de technologie américaine dans la fabrication de semi- conducteurs ( i.e. de facto 100% des producteurs mondiaux) destinés à HUAWEI.
- Cette industrie du semi-conducteur affiche un chiffre d’affaires de 400 G$ et entraîne avec elle une industrie électronique avec tous les services s’y rapportant de 8.900 G$, soit 10 % du PNB mondial.
- La fabrication de ces semi-conducteurs est basée sur la technique de photolithographie poussée à la limite du possible pour implanter de l’ordre de 60 Milliards de transistors sur sur un chip de 1cm² de silicium avec une précision de l’ordre de 14 nanomètre ! Cela n’est possible que grâce à l’assemblage de plusieurs technologies de pointe : les outils de conception, la fabrication du disque brut de silicium, l’optique permettant une photolithographie avec une précision de l’ordre du nanomètre et les usines “salle blanche” complètement automatisées, ce sont des investissements de plusieurs milliards de dollars qu’il faut consentir à chaque nouvelle génération de puces qui se succèdent tous les 10 ans.
- Dans cette guerre commerciale, il faut regarder la maîtrise de ces technologies au niveau des plaques géographiques comme dans le tableau ci-dessous. On s’aperçoit qu’en Europe, on a des champions sur l’ensemble des 4 technologies. Malheureusement STMicroelectronic pour la fabrication n’a pas pu se lancer dans la course au tout dernier semi conducteur de 7 nanomètres. Plus récemment, le géant Globalfoundries a abandonné ! En conséquence il n’y a plus que 3 acteurs : Intel, TSMC et Samsung…… alors qu’ils étaient plus de 20 il y a 20 ans. Comme nous allons vérifier qu’ en matière de souveraineté les 4 aspects Hardware, Software, Data et Gouvernance sont intimement liés, il faut donc absolument que l’Europe retrouve une souveraineté dans la fabrication des semi-conducteurs. Le timing est parfait car ceci représente un beau challenge pour les plans de relance actuels avec un horizon de temps de 10 ans.
- La question de la souveraineté a été posée par notre président Emmanuel Macron en novembre 2019 en faisant un préalable à tout déploiement de la 5G dans notre pays. Malheureusement il a lancé le déploiement de la 5G dix mois plus tard sans avoir donné la réponse à sa propre question préalable. Dès lors on ne peut que spéculer sur ce que la DGSE ou Orange ont dû lui expliquer, à savoir que même s’ils ne mettaient pas de hardware Huawei en haut de leur tours 5G, ce n’est pas pour autant qu’ils pourraient garantir que le réseau 5G de bout en bout n’aurait pas de backdoor (porte dérobée) ouverte à l’intention de grandes oreilles extérieures !
- En effet nous sommes entrés depuis plusieurs années dans une cyberguerre qui se joue entre des grands champions, notamment les États et aussi quelques organisations digitales officielles (GAFAM …) ou souterraines. Les principes de gestion de la cybersécurité que nous avons travaillés depuis plusieurs années au sein de nos Think Tanks sont donc parfaitement d’actualité.
- Une solution possible pour garantir cette souveraineté serait de développer une infrastructure uniquement à partir de logiciels open source. Aujourd’hui une infrastructure telecom se gère comme une infrastructure informatique c’est-à-dire avec des logiciels dans tous les composants HW, eux même contrôlés à distance. Rakuten, opérateur japonais de télécom a fait ce choix pour son nouveau réseau 5G en s’appuyant sur l’Open Source OpenRan. Cela lui a permis de faire des économies importantes (50%) par rapport à l’achat de technologies propriétaires sans lui garantir pour autant comme nous l’avons vu une souveraineté sur son réseau.
- Pour arriver à construire un Internet et un réseau de télécommunications souverain, il faut que l’État puisse jouer son rôle de Tiers de confiance et remplacer ceux qui aujourd’hui ont, de facto, pris ce rôle comme les GAFAM. Les enquêtes sur les scandales à répétition depuis la manipulation des élections américaines de 2016 ont montré qu’il était impossible pour les plateformes comme Facebook de contrôler le flux d’échanges (rappelons qu’ ils ne sont aujourd’hui pas responsables de ces contenus d’après la loi américaine, cf section 207). Interrogé par les sénateurs, Mark Zuckerberg avait annoncé prématurément que l’intelligence artificielle pourrait l’aider à faire un meilleur travail de tri. Mais il a été immédiatement contredit par son responsable R&D intelligence artificielle, Yann LeCun qui a affirmé que l’intelligence artificielle était incapable de faire le tri dans toutes ces discussions très évolutives pleines de jargons, d’images et d’abréviations.
- Certains gouvernements comme le Canada, la Nouvelle-Zélande et la France ont réagi après l’attentat de mars 2019 en Nouvelle-Zélande à Christchurch lors duquel un extrémiste blanc avait mitraillé 51 personnes à la sortie des mosquées. Au salon Vivatech 2019, le premier ministre Trudeau plaide fortement pour un arrêt de ces massacres et souhaite un contrôle des grandes plate-formes annonçant que, d’après ses services de renseignement, 50 % des élections démocratiques dans le monde en 2018 avait été influencées par des forces extérieures.
- Roger McNamee qui est passé en 2016 de rôle de conseiller de Facebook à activiste anti Facebook propose de reconstruire un internet sur des principes plus éthiques avec 3 principes : 1- l’interdiction des business model de manipulation, 2 – la reconnaissance que les données personnelles sont inaliénables et 3- il propose une solution où on attribue à chaque citoyen à sa naissance un Private Cloud inaliénable qui permettrait d’envisager une nouvelle architecture pour un nouvel Internet complètement repensé au service de chaque citoyen … et non plus un pour lequel chacun de nous en est le “produit”.
- En conclusion, nous avons compris qu’en matière de souveraineté, tout est lié. Il faudrait donc que, d’ici 10 ans, on puisse reconstruire une technologie souveraine, sur des bases 100 % européennes, avec à la fois une infrastructure mais aussi une gouvernance internet, s’inspirant de l’Estonie, basée sur les valeurs européennes de RGPD et non pas sur les valeurs américaines déduites du First Amendment. Il y a là un beau projet pour une EuroTech.
Pour InnoCherche – Novembre 2020