Pourquoi nous ne parlerons bientôt plus des objets connectés ?
Parce que presque tous les objets vont devenir connectés … donc ce sera redondant. Et si on en parle, ce sera seulement lorsque cela ne marche pas… car quand ça marche on oublie que c’est de la techno (Seamless … voir plus bas) ! In fine, il y a aura des objets, existants déjà aujourd’hui, qui demain, en devenant connectés, apporteront une valeur ajoutée.
Trois préalables à ce “devenir connecté” :
Comme nous l’avons constaté à plusieurs reprises lors de retours d’expériences utilisateurs, pour que, moi, utilisateur final, j’apporte à un écosystème mes data dans un cloud que je ne contrôle pas, il faut au préalable que je sois rassuré sur trois points :
- la valeur ajoutée (VA) offerte est supérieure à ma crainte de “Big Brother”
- l’expérience est pour moi “seamless” ou sans contrainte
- je me sens “in control”
1) VA > crainte Big Brother : Pour qu’il y ait adoption, il faut que je me sente en confiance. Avec les histoires Sony et NSA, j’ai compris que si la sécurité 100% n’existe même pas pour la première puissance mondiale, il me suffit d’être rassuré sur le fait que l’on a mis en place les bonnes pratiques en ligne avec les enjeux liés à ce type de données. Pour certains, la meilleurs des bonnes pratiques c’est de garder la maîtrise de mes données.
2) Seamless : Aujourd’hui les promoteurs des objets connectés essayent de me vendre des objets supplémentaires dont je n’ai pas besoin. Pour que j’accepte, il ne faut pas espérer changer mes habitudes de comportement en me demandant le matin par exemple de penser à me mettre un outil à la ceinture ou sur mon T-shirt. C’est le témoignage de patron de Withing, Eric Carel, qui, il y a deux ans, disait que 70 % des objets connectés vendus finissent au bout de trois semaines au fond d’un tiroir.
3) In Control : Peu importe, si je me suis fait avoir. Même sans avoir lu les conditions qui font 40 pages, je veux avoir le pouvoir, au creux de ma main, de détruire de façon unilatérale et immédiate la connection. Après avoir été échaudé plusieurs fois par les réseaux sociaux, j’ai maintenant appris. Je retourne la preuve de la charge à la marque (une inversion de plus) en lui demandant ces trois assurances. Cela revient, en terme marketing, à demander la garantie d’un OPT-OUT efficace dans lequel, après un clic de mon doigt sur mon smartphone, mes données sont effacées chez mon ex-tiers-de-confiance et me sont rendues dans un format ouvert pour que je puisse passer à un autre prestataire de mon choix.
À partir du moment où l’on a saisi que la plupart des objets que nous connaissons aujourd’hui vont être demain connectés, on comprend que de multiples espaces d’intermédiations vont être ouverts dans lesquels des nouveaux entrants vont pouvoir se glisser pour créer de la valeur … à mes dépens si je ne cherche pas moi-même rapidement à trouver les nouveaux services attendus. Comme nous l’explique si bien Z#bre, qui est un des lauréats du trophée Innocherche 2014, il devient urgent d’envisager le type de service que chaque fabricant d’objets devra mettre en place dans ce nouvel espace d’intermédiation – au sein d’un écosystème à créer.
Pour l’intermédiation : deux architectures proposées et opposées
D’un côté, les grands acteurs du cloud – Amazon, Samsung, Google (eux trois en mode ouvert) et Apple (lui en mode fermé) – sont en train de proposer une nouvelle architecture pour objets connectés qui offre une valeur forte pour les services futurs avec de nouveaux business models. Dans cette architecture, on coupe en deux la proposition de valeur sur les objets connectés en mettant d’un côté la récupération de la data et sa protection dans le cloud et de l’autre les services qui pourraient en être issus.
Comme nous l’expliquait, lors du dernier voyage en Silicon Valley, de façon humoristique Luc Julia, responsable du projet Sami chez Samsung, le fabricant d’objets connectés isolés n’aura pas suffisamment de data pour faire un service à forte valeur ajoutée. Il résumait ceci en une petite phrase “ your service sucks !”. Par exemple, si je suis une entreprise de surveillance et que je n’ai que l’image vidéo de votre appartement sans avoir les capteurs d‘ouverture de fenêtres, de mouvements et la consommation électrique, je ne pourrai pas me faire une idée précise de ce qui se passe dans votre maison et définir si vous êtes ou non en situation de cambriolage… et mon service “will suck”.
Donc, pour un particulier, une fois que toutes ses données personnelles sont remontées dans le Cloud avec, pour chacune, un “Manifeste”, c’est à dire un “End User Licence Agreement” précisant qu’il permet l’utilisation de la donnée stockée, alors il peut en confiance accepter les offres de prestataires de services spécialisés qui, en consolidant les données marquées par exemple “sécurité”, pourront lui offrir un service polyforme qui pourra être “fermer la porte du garage et les volets”.
De l’autre, les partisans d’une architecture type VRM (Vendor Relationship Management) qui inversent la proposition sur la propriété et la sauvegarde de la donnée en proposant qu’elle reste chez le particulier, dans son appareil – ou cloud perso – de façon très sécurisée et encryptée … et que celui-ci n’en donne l’accès en consultation que de façon ponctuelle à des tiers qui en auraient besoin pour un service préalablement validé par lui.
Les veilleurs Innocherche qui partagent notre prisme de lecture sur les usages nous font dire, en résumé, que l’on ne parlera bientôt plus des objets connectés (… et donc qu’il ne faut pas se focaliser sur cet aspect du monde digital futur) et que, en terme d’architecture, les deux approches vont voir le jour. Observons ensemble laquelle aura le plus de succès commercial. Bien sûr à court ou moyen terme pour capter des données il faut créer des expériences et pour cela il faut mettre en œuvre des technos.
Bertrand PETIT – Président de l’association InnoCherche.
Réseau de veille transverse sur les usages
Le 8 février 2016