Depuis son lancement en 2012, Coursera s’est affirmé comme le leader des MOOCs.
MOOC ? ou Massive Open Online Course, les cours ouverts à tous, entièrement délivrés via le web.
Mais on peut être leader et encore chercher le bon business model.
Faisons un rapide retour sur l’aventure des Moocs.
Le véritable essor des MOOC commence à partir d’un cours d’intelligence artificielle dispensé sur le site de Stanford en novembre 2011. L’enseignant en charge, Sebastien Thrun, est un professeur de robotique d’origine allemande ; il travaille aussi chez Google sur les voitures automatisées. Le cours attire 160.000 étudiants alors que seulement 10.000 étaient attendus ; plus de 15% vont jusqu’au bout. Suite à ce succès, Sebastian Thrun fonde Udacity en février 2012.
Alors que Udacity adopte une stratégie de maison d’édition, Coursera également fondée en 2012 par 2 profs de Stanford – Daphne Koller et Andrew Ng – adopte le modèle de la place de marché et va tisser un réseau d’universités partenaires parmi les plus prestigieuses. edX, lancé quant à lui cette même année 2012 à l’initiative du MIT et de Harvard, est open source et à but non lucratif.
Où en est exactement Coursera aujourd’hui ?
Cet été, Coursera a changé de management et ce faisant également changé de priorité. Après la course à la croissance et au développement d’un réseau de partenaires pédagogiques prestigieux du temps de Rick Levin, Jeff Maggioncalda, le nouveau CEO ex startupper et financier, a mis l’accent sur la recherche d’un business model viable.
En effet, Coursera affiche aujourd’hui des résultats très impressionnants, et reste en phase avec sa mission d’origine…
…mais les challenges restent nombreux :
– 15% seulement d’apprenants payants ; le modèle est freemium certes, mais aujourd’hui trop déséquilibré vers le gratuit
– 15% seulement de complétion des formations démarrées ; c’est le problème récurrent (structurel ?) des Moocs, il est si facile de démarrer, et il faut beaucoup de discipline personnelle pour aller au bout. Or quelle peut être la satisfaction d’un apprenant qui s’est arrêté en chemin ? son envie de suivre un autre programme ? son appétit pour passer à un cursus payant ?
– 75% des utilisateurs sont des « college graduate » soit des profils déjà formés. Coursera peut-il prétendre « transformer leur vie » ? L’objectif de visibilité ne va-t-il pas au-delà de ces cibles immédiates ?
– 145 Millions de $ levés. Coursera peut se sentir riche, mais ne doit pas oublier que le business n’est aujourd’hui pas rentable et que la façon d’atteindre cette rentabilité reste à trouver.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir varié les business models et fait succéder les pivots.
- Au démarrage l’offre de Coursera est B2C.
Des cours en ligne, en video, en mode freemium. Gratuits à visionner pour tous. Avec paiement pour l’obtention d’un certificat, et paiement également pour les formules où l’enseignement est complété de projets collectifs ou de mémoires corrigés par l’enseignant. Et les scores de complétion cités précédemment sur lesquels Coursera espère progresser en se rapprochant des besoins à court et moyen terme des entreprises qui cherchent à recruter.
- En août 2016, à la suite des réactions des corporate dont les employés demandent à leur employeur un remboursement pour les fees Coursera, il est lancé une offre B2B2C. Coursera propose sa plate-forme de programmes en marque blanche aux corporate, pour que ceux-ci déploient une offre riche à l’attention de leurs salariés.
En France, motivés par la loi sur la formation de mars 2014, les grandes entreprises répondent bien à l’offre, en format catalogue total, ou en mode cursus contraint. Coursera attaque actuellement avec ce même modèle les marchés UK et Inde.
- En 2017, nouvelle initiative sur le B2C, mais en mode premium cette fois. Les USA voient les coûts des MBA se développer de façon délirante, avec un décalage de plus en plus patent entre les montants sur lesquels s’endettent les étudiants et les revenus obtenus ensuite dans leurs 1ers emplois. Coursera propose des MBA en ligne, pour un tiers de leur coût dans les universités.
Après le MBA de l’université d’Illinois (22000 $), annonce d’un Master avec HEC. Celui-ci devrait permettre à HEC d’accélérer la croissance de leur réseau d’alumni. Une composante-clé de la puissance et du rayonnement d’une université, sur laquelle HEC pâtit de sa petite échelle (50K alumni, vs 500K pour les grandes universités américaines.)
On le voit, comme toute startup agile, Coursera pivote et multiplie les approches de ses marchés.
Il se pourrait que la réponse se trouve au croisement des 3 types de clients avec lesquels les interactions se succèdent ou se parallélisent. Coursera pourrait devenir la plateforme d’optimisation des relations entre :
– apprenants en recherche de cours de qualité et débouchant sur l’emploi, accessibles depuis n’importe où,
– entreprises soucieuses de sourcer et recruter des profils compétents maintenant et d’anticiper les besoins de demain avec un partenaire puissant, et enfin
– universités en recherche de visibilité et de développement à l’international, auprès de nouvelles populations d’étudiants très en demande et n’ayant encore que peu d’opportunités d’accès aux formations spécialisées de haut niveau.
Hélène Duneigre pour InnoCherche – Décembre 2017