Brocante 3.0 : du physique, de la long tail et de l’assurance.

CR interférence de Mai 2021 avec les 3 Think Tank Economie Circulaire, Smartcity et Fintech

Nos parents aimaient chiner dans des brocantes sans être sûrs de trouver quoi que ce soit.  Avec Brocante 2.0, eBay et Leboncoin offrent la profondeur de la « long-tail ». Mais il y a encore des problèmes de satisfaction client, de logistique. Avec Brocante 3.0, en mélangeant clic & mortar pour de la seconde main, notamment dans les malls qui doivent retrouver une nouvelle vie … il y a potentiellement un nouveau trend très fort et très bon pour le business et la planète.

On observe un phénomène d’accélération dans la transition de notre société de consommation basée essentiellement sur du jetable … vers du durable.  Après la “sharing Economy” commencée avec AirBnB,  nombreux sont les signaux faibles qui surfent aujourd’hui sur le trend développement durable –  que l’on va décoder pour vous après un an de confinement.

De e-commerce à Brocante 3.0

Vous avez suivi le boom du e-commerce. Chaque enseigne sort des progressions folles en e-commerce … qui ont permis de sauver l’année 2020. En Europe en 2020, on arrive donc maintenant à ( seulement ?!?) 14% de part de e-commerce dans le retail … contre 50% en Chine !

Pourquoi ? Les Chinois sont passés très rapidement, après 2000, du marché de village avec les biens de première nécessité … directement au e-commerce avec livraison 3h avec Alibaba puis JD. 

Ensuite, à partir de 2010, ils ont construit des super Malls, hyper luxueux, avec une différence notable :  au lieu d’avoir, comme en Occident, 60-70% des m² occupés par de la vente au détail et 30-40% pour le loisir (cinéma, restaurant etc.), ils ont un rapport inverse. Le Mall est un attracteur de loisirs aux côtés de showrooms de marques. Ces showrooms n’ont pas besoin de gros espaces de stockage avec tous les modèles et toutes les tailles … après avoir vu et touché dans le showroom puis  commandé sur smartphone avec WeChat, la livraison se fera en 3h.

Seconde main malin.

Nous allons voir comment en Europe, suite aux confinements et aux faillites de certaines enseignes, des foncières intelligentes se positionnent pour réinventer les Mall et la logistique du dernier km.

Avec le confinement et la fermeture des commerces non essentiels en France, c’est non seulement le e-commerce des produits neufs mais aussi celui des produits de seconde main qui a explosé. Le vêtement seconde main, la voiture d’occasion ou les antiquités, ce n’est rien de nouveau mais aujourd’hui, acheter en seconde main, ce n’est plus ringard, c’est engagé et c’est malin !  Il y a encore quelques petits “pain point” à arrondir pour arriver à une généralisation de la réutilisation.

Chez InnoCherche, nous avons vu cette tendance d’achat de vêtements d’occasion naitre il y a environ 6 ans. Lors du SXSW de 2015, on avait identifié une start-up remarquable Rent the Runway qui expliquait aux américaines pour qui porter 2 fois la même robe était impensable, que ce n’était pas la peine de « l’emprunter » le vendredi en faisant semblant de l’acheter … pour la rendre le lundi, alors que vous l’aviez mise le samedi une seule fois ! Il fallait plutôt photographier toutes ces robes que vous ne portiez qu’une seule fois et les mettre sur la plateforme pour les louer.

Rent The Runway joue ainsi le rôle d’un tiers, depuis la location, l’expédition, le service au client et le retour incluant le pressing et le raccommodage pour vous la rapporter propre dans votre placard et 20 ou 50$ gagnés avec votre location. Énorme succès surfant sur ce trend majeur identifié et mis dans notre référentiel OSEG (Ownership Sucks, Experience is Great).

Les jeunes générations ne veulent plus s’encombrer de vêtements dans leurs armoires et préfèrent louer ou acheter/vendre du seconde main. Tout ceci est mieux pour la planète. En France, on a pu suivre le succès de Vestiaire Collective qui, en expertisant et authentifiant l’état du vêtement ou de la maroquinerie de luxe, joue aussi le rôle de tiers de confiance pour l’acheteur et  le vendeur.

Le taux de retour dans le e-commerce est de 30%  en moyenne par rapport à 9% dans le brick and mortar où les consommateurs peuvent essayer leurs produits. Pour les produits d’occasion, cette différence doit être encore plus grande car le besoin de bien voir le produit y est sans aucun doute plus important par rapport à un produit neuf. La Brocante 3.0 : phénomène de long tail, trouver l’acheteur unique pour mon produit unique … commence à se développer très fortement dans les centres commerciaux. 

La seconde main dans les malls

Les magasins Carrefour en France ou Walmart aux États Unis ont déjà ouvert des corners de vente de textile seconde main sur lesquels leur marge est plus importante que sur le neuf. Ils pensent qu’assez rapidement, la vente de textile seconde main représentera 50% de leurs ventes textiles. Carrefour s’est aussi associé à Cash Converter pour lancer la marque Carrefour Occasion spécialisé dans la vente de seconde main de petit électroménager, informatique grand public mais aussi bijoux, montres et maroquinerie haut de gamme à prix abordable. Ikea a ouvert en novembre dernier en Suède son premier magasin de meubles de seconde main et c’est aussi en Suède, que se trouve le premier centre commercial de 5000 m2 dédié à la seconde main au monde. Avec une quinzaine de boutiques, on y trouve des jouets, de l’électroménager, mais aussi des vêtements, des smartphones… qui attirent plusieurs centaines de milliers de clients chaque année. 

Les centres commerciaux traditionnels qui eux ont vu leur fréquentation baisser pendant le COVID sont en recherche d’innovation et de relais de croissance. Dans cette période de crise du retail classique, on voit des sociétés foncières propriétaires de Malls racheter des enseignes en faillite, sans doute que cette verticalisation entre la distribution et les enseignes n’est qu’un épiphénomène, mais le mouvement récent de Xavier Niel sur Unibail Rodamco Westfield, qui ne nous dit rien de sa future stratégie, est à la manœuvre. Nous pensons que ce n’est pas qu’une opportunité boursière. 

L’idée originale serait sans doute de regrouper dans certains Malls qui se vident, des showrooms (avec de plus petites surfaces), y faire revenir du stockage qui était parti en grande couronne (moins de trajets pour servir la ville) … et y ajouter de la vente de seconde main et des “dark cuisine”.

Il y a certainement chez les grandes enseignes une volonté, … ou une nécessité,  de suivre la tendance du réutilisable pour être cohérentes avec les valeurs affichées liées à l’économie circulaire (proximité, réparabilité, recyclabilité etc.). Mais il y a aussi un intérêt business parce que, cela fait venir les clients en magasin, cela permet de contrôler et certifier les produits de seconde main, de les réparer … et aussi parce que les marges sur ces produits d’occasion sont plus importantes. La clé de la réussite semble être dans la découverte du bon filon d’approvisionnement.

La Mode et les marques à l’affût du trend sur le “sens”

Les marques ont besoin de repenser leur business modèle et de se mettre dans un scénario de durabilité pour coller aux attentes et nouveaux usages. Depuis le G7 de Biarritz en 2019, où elles ont été pointées du doigt comme étant le deuxième secteur le plus polluant, il s’agit de corriger rapidement cette image.

Se réinventer et changer de business modèle, soit en louant les produits soit en les récupérant elles-mêmes, pour vendre des produits d’occasion ou reconditionnés/ réparés. 

Réinventer les centres commerciaux  

Demain, on pourrait bien imaginer des Malls avec essentiellement des produits de seconde main parce que c’est eux qu’il faut aller toucher et essayer … plutôt que des produits de première main où l’on a moins de surprise et que l’on commande plus facilement sur internet. 

Si l’on couple tous les trends suivants : 

  • des faillites de certaines enseignes post covid – où l’on voit  des foncières à racheter des marques – racheter leur clients – pour finir un 360° en 50 ans où les commerçants ont vendu leurs murs aux foncières qui maintenant se trouvent enclin de racheter les marques en faillite pour contrôler leur business model;
  • le besoin des sociétés de livraison de se rapprocher des centres villes pour livrer en 3 heures et non plus en 24h sur des surfaces plus petites;
  • l’essor des “dark cuisines” qui elles aussi doivent être bien situées.

… ou pourrait envisager à horizon 2030, une refonte des malls européennes inversant leur ration de 70% de boutiques 30% loisirs … pour tendre vers le ratio chinois 70% loisirs 30% showroom rendu nécessaires et possibles avec un e-commerce qui frôle les 50% post covid (contre 15% en Europe en moyenne).

Seconde main : une grosse opportunité AssurTech

Pour satisfaire l’appétit croissant de ces expériences de seconde main, le consommateur veut avoir une garantie de bonne fin et être capable de retourner le produit sans soucis et être remboursé. Ce phénomène a d’ailleurs été observé dans le marché de la voiture d’occasion avec des garanties “constructeur” offertes comme sur du neuf qui ont permis à la filière de bien se développer. 

Une start-up danoise de l’Insurtech spécialisée sur l’assurance satisfaction sur les produits de seconde main complète le dispositif et le sécurise, avec des milliers de petites transactions sur lesquelles l’assureur va gagner 0,20€ ; c’est un marché de masse sur lequel les assureurs classiques ne sont pas forcément bien positionnés.  C’est la même problématique que celle des plateformes de nouvelle mobilité, où la majeure partie du trafic et des faits sont pour l’assureur qui doit faire un pricing rapide pour chaque petite transaction de courte durée… à l’image de ce qui se passe dans le pub en ligne avec le Real Time Bidding (RTB).

Quand on regarde comment le réemploi de produits pourrait se développer dans les années à venir, nous pensons qu’il y a un important potentiel avec ce retour vers le brick and mortar et une opportunité de seconde vie pour tous ces Malls. On compte aussi voir l’éclosion de jeunes start-ups qui viendront proposer une assurance satisfaction client, sans doute en marque blanche pour les enseignes.

Sur cette tendance observée de la “Sharing Economy”, le citoyen consommateur recherche davantage la jouissance ou l’usage et non la propriété. (cf OSEG article 2018 : OwnerShip Sucks Experience is Great). Cette prise de conscience a affecté les usages des générations les plus jeunes et ce sont les enfants qui convertissent les parents !

Dans notre Think Tank “Retour à l’économie Circulaire”, nous décodons les tendances sur le partage d’usage, le réemploi et la réparation pour aider les dirigeants à prendre conscience que l’on va petit à petit abandonner cette société de consommation basée sur le jetable (y compris pour une voiture et nos maisons …) vers une société du durable qui va de facto favoriser un retour au local. Cette transition vers l’économie circulaire n’est pas un retour en arrière mais une opportunité d’innovation et de nouveaux business modèles plus vertueux et vecteurs d’une croissance économique intégrée au respect de la santé humaine et des ressources de la planète. 

 

Pour InnoCherche – Août 2021.