Comprendre Israël : la démocratie digitale à l’épreuve du Tracking
En contraste, quels sont les pré-requis pour un Contact Tracking efficace ?
Le Bulletin de notes Covid-19 d’Israël n’est finalement pas si glorieux. 1er de la classe au début de l’année, il passe pour un cancre au deuxième et troisième trimestre.
Le Premier Ministre y va carrément. Passant sans ciller de : « Nous sommes les premiers à avoir fermé nos frontières » au mois de mars, à : « Nous sommes les premiers à décréter le second confinement ! » au mois d’octobre. Certes…
Oui mais justement, comment expliquer que la Startup Nation qui disposait de tous les atouts technologiques et d’une longue expérience de la surveillance anti-terroriste, n’a pas réussi à correctement tracer les personnes contaminées et confinées, détecter les cas contact, surveiller le respect de l’isolement forcé, et en a été réduite à décréter par deux fois un mois de confinement national ? Le tracking aurait dû permettre de contenir les chaînes de contamination, et de localiser les mesures de confinement au maximum.
Ce territoire de la taille de l’Ile de France, relativement fermé et isolé, n’aurait-il pas dû briller par son agilité, à l’instar d’autres îles et principautés dont on a vu les succès ?
Il faut dire que les enjeux du tracking ne sont pas que technologiques. Ils sont éthiques, juridiques et pratiques. Tracer n’y suffit pas ; il faut encore obtenir l’adhésion du public, ou à défaut, disposer d’un arsenal contraignant. En Israël, on verra que l’on n’a ni l’un ni l’autre.
Une intelligence pas si artificielle
Le tracing peut s’opérer de trois manières.
- C’est d’abord la solution à la mano. Relevé manuel comme on l’a connu par exemple dans les restaurants en France, mais aussi traitement et recoupement des données par des équipes spécialisées ; pour chaque cas, on remonte le parcours, les derniers lieux visités, et on remonte la piste à coup de conversations téléphoniques. En Israël, ils sont moins de 30 enquêteurs épidémiologiques au début de la crise soit 1 pour 300,000 habitants, à comparer avec Singapour 1 pour 40,000, ou l’Allemagne 1 pour 4,000, l’Angleterre 1 pour 2,200, ou encore le Michigan 1 pour 1,400.On part de très bas, et malgré les renforts apportés par l’armée, en juin, le pays n’arrive à remonter que 175 filières par jour en juin. Autant dire que le virus fait la course en tête… Comme nous allons le voir, cette solution n’est pas “scalable”.
- Ensuite, le tracing peut se faire de manière auto-déclarative : le questionnaire rempli par une population docile, instruite et motivée typiquement sur son Smartphone. Or l’Israélien n’est pas particulièrement docile – pour le meilleur et pour le pire. Il est plutôt créatif, plein d’initiative, non-conventionnel.
- Enfin, il reste le tracing passif automatisé : les données récoltées par des applications téléchargeables, par les relevés de cartes bancaires, par l’historique de géolocalisation du téléphone portable (la fameuse triangulation), par les données d’utilisation des transports en commun, par les caméras de surveillance, et par l’analyse du big data permettant l’anticipation et la détection de zones à forte circulation du virus.
Vu de Chine
Cela peut paraître compliqué mais cela peut être très simple pour l’utilisateur comme en Chine. Un Chinois passe 70 % de son temps internet sur Wechat ou les applications Alibaba comme nous l’avons vu à Shenzhen.
Ce système 100% automatique est le seul “scalable”. Nous avons été confinés en France car les enquêteurs ne pouvaient plus suivre et que le système n’était pas efficace à 100% Note de la rédaction InnoCherche |
Source : Tehilla Shwartz Altshuler et Rachel Aridor Hershkovitz, Digital contact tracing and the Coronavirus: Israeli and comparative perspectives, Foreign Policy at Brookings, Août 2020.
Fort de sa longue expérience de la lutte anti-terroriste, nul ne fut surpris de voir Israël prendre la route des outils passifs de monitoring.
Entre liberté et sécurité, un rapport élastique au respect de la vie privée
Avec l’arrivée de la pandémie, on a assisté partout et à des degrés divers, à une remise en cause de notre acception des droits de la personne face aux nécessités du collectif, du droit à la vie privée, au libre mouvement, à l’information et à la transparence, de l’accès aux soins.
A cet égard, le Covid-19 agit comme une troisième guerre mondiale, accélérant l’adoption de nouveaux usages et permettant des prises de risques inacceptables en temps de Paix.
Israël est une démocratie, certains diront post-démocratie, mais ce n’est pas l’objet de cet article.
Son cadre législatif se compose de pièces rapportées du droit ottoman et britannique (les deux empires qui y ont occupé le territoire), de quelques lois fondamentales qui font office de constitution, notamment l’une sur la vie privée datant de 1981, et de lois ordinaires.
Originalité majeure, l’État d’Israël est resté placé en état d’urgence, sans discontinuité, depuis sa création en 1948. Cet état d’urgence permet de mettre en place des réglementations sans faire cas des statuts existants, facilitant la surveillance des civils par le gouvernement.
De plus, le ministère de la Santé a pu faire usage d’une Ordonnance de Santé Publique… mise en place au début du siècle dernier avant la création de l’État sous le Mandat Britannique. Cette règle n°20 l’autorise à faire d’une maladie contagieuse un danger public, à imposer une quarantaine et à surveiller des individus.
Le Service de Sécurité Intérieur (Shin Bet) a aussi accès, depuis 2002, aux données fournies par les infrastructures cellulaires, à des fins de lutte anti-terroriste. On a découvert récemment qu’il récupère les données de localisation des citoyens israéliens en continu, n’en faisant usage que sur ordonnance judiciaire.
Côté respect de la vie privée, Israël tarde à se plier aux exigences GPRD. Passé un premier stade de stupeur, où les Israéliens cherchaient à comprendre ce que les Européens entendaient par-là, tant le fossé culturel était grand, les autorités rechignent et peinent à adapter leur société aux nouvelles exigences, prenant le risque de ne plus être reconnues par l’Union Européenne comme garantes et protectrices de la vie privée. Certaines de ses actions, notamment le traçage en continu, ne sont évidemment pas conformes aux standards GDPR .
Alors comment se fait-il que malgré cet arsenal juridique et la tolérance des Israéliens pour la surveillance, le tracking Covid a rencontré tant de difficultés ?
Chronologie du tracking : l’adoption des mesures et des outils
(Voir Chronologie détaillée en Annexe)
En termes d’outils, si l’on met hors concours les pays d’Asie (notamment la Chine et la Corée) bien rodés aux épidémies, Israël a été le premier pays à sortir une application dédiée.
HaMagen – le bouclier – croise les informations de localisation avec les listes de malades. Lui succède HaMagen 2, plus anonyme et basé sur le BlueTooth.
En cette fin novembre 2020, nous sommes donc à un tournant. Le moment où la récupération passive des données de surveillance – déjà intrusive et antagoniste aux droits démocratiques fondamentaux – n’y suffit plus. On envisage d’instaurer en Israël, comme en Chine, l’utilisation contraignante de l’application téléchargeable. Les ultra-orthodoxes n’ont pas de portables ? Qu’à dieu ne plaise, on va leur distribuer des téléphones intelligents.
Synthèse InnoCherche: Pour un contact tracking efficace, il faut 3 pré-requis:
Synthèse veille InnoCherche |
L’hypertechnologie israélienne : en pointe sur le Covid, à la traîne sur le tracking
L’hypertechnologie israélienne s’est mise au service de la nouvelle routine Covid avec des résultats contrastés.
Au sein des hôpitaux par exemple, les ailes Covid se sont déployées à une vitesse record, équipées de salle de contrôle semblables à des centres de crise où des généraux en blouses blanches font leurs plans de guerre, armés d’Intelligence Artificielle et d’écrans de contrôle. Où des médecins hospitaliers convoquent leurs patients dans des salles de consultation et communiquent au travers de fenêtres sans tain comme pour une sorte d’interrogatoire anti-terroriste, où les armées d’infirmières ne pénètrent qu’une fois par jour sur le champ de bataille, équipées de scaphandres comme pour aller sur Mars. Où les patients isolés s’auto-gèrent, faisant le ménage et s’occupant les uns des autres lorsqu’ils le peuvent, ou des parkings souterrains sont transformés en services immunologiques géants, déshumanisés mais efficaces, où les équipes médicales sont équipées des moyens de communication les plus sophistiqués.
Au niveau des solutions de screening de masse également, où pas moins de 5 startups israéliennes fournissent au monde entier les meilleurs tests rapides, pas chers et à distance pour permettre aux lieux publics de mesurer à l’entrée autre chose que la température.
Avec à fin novembre et par million d’habitants, 298 morts et 558,000 tests, les résultats sont là.
Israël performe.
Alors comment expliquer les échecs du tracking ?
Difficile de connaître réellement le niveau de fiabilité du traçage lui-même. Selon le ministère de la Santé, plus de 12 000 personnes sur les 70 949 personnes mises à l’isolement par le biais du Shin Bet, l’ont été… par erreur.
Certains acteurs, tel l’ancien directeur du Shin Bet Avi Dichter, estiment que le taux de réussite est de 40% tandis que d’autres, tel que le ministère de la Santé et l’Autorité en charge de la Protection de la Vie Privée, l’estiment respectivement à 13,5% et 6%.
La technologie ne parvient pas à compenser les lacunes du système de santé
Comme nous l’avons vu avec la Chine, un tracking Covid-19 efficace doit être généralisé et fiable. Il consiste entre un croisement des données de santé avec des données de géolocalisation ultra-fines. Pour avoir du sens, il doit être utilisé par la grande majorité de la population et dans tous les actes de la vie, assorti de règles très claires et renforcé d’un contrôle central.
Avec la crise du Covid-19, Israël a été confronté aux lacunes structurelles de son système de santé. Le pays ne dispose pas d’une Sécurité Sociale centralisée. Les données de santé sont réparties entre les mains de différentes caisses d’assurance maladie privées, rapportant à un Ministère sous-équipé pour traiter les données.
Pour des raisons politiques, le croisement des données a été confié au ministère de la Santé, aux mains du Likud, le parti de Netanyahu, au lieu d’être confié au ministère de la Défense ce qui, aurait été à la fois logique et recevable, le niveau de confiance des citoyens pour son armée étant à son maximum. Dans un sondage réalisé au début de la crise, 63% de la population Juive et 38% des Arabes ont déclaré faire confiance au Service de Sécurité Intérieure pour la manipulation des données collectées pour effectuer le traçage. Lorsque le public a réalisé le nombre important d’erreurs commises lors du traçage et de la mise en confinement, la colère et la protestation se sont dirigées vers le ministère de la Santé, et non vers le Shin Bet.
Faute à pas de chance, dans ce gouvernement de coalition, le ministère de la Défense est aux mains des rivaux de Netanyahu.
Or le budget du ministère de la Santé et les budgets sociaux de manière générale ne sont pas la priorité d’Israël, pays d’obédience capitaliste et sécuritaire. Sans compter que prise dans ses tractations, la coalition n’a pas encore voté son budget 2020. La crise trouve le ministère en sous-effectif, des fonctionnaires démunis et au bord de l’effondrement, des services informatiques calamiteux.
Dans le cadre de la crise sanitaire, le ministère de la Santé, n’avait clairement pas les moyens humains et technologiques pour faire face à cet afflux massif de données et être ce point de passage et de tri dont le tracking a besoin pour fonctionner.
De plus, le personnel de santé en Israël est en sous-effectif chronique et quatre mois après le début de la crise il n’y a toujours que 27 infirmiers pour s’occuper de l’étude épidémiologique auprès des patients. Et ce malgré les propositions de renfort de l’armée qui ne seront acceptées que fin juillet.
Quant à HaMagen, l’application de traçage volontaire fournie par le gouvernement, elle a échoué pour plusieurs raisons. D’une part, à son lancement, l’application a donné lieu à des erreurs dues à l’entrée manuelle d’informations dans le système du ministère de la Santé, ainsi qu’à l’imprécision des données de localisation cellulaires. La première version de l’application n’était basée que sur le GPS, dont la précision a été contestée. Le Bluetooth a été associé à la seconde version. D’autre part, le nombre de téléchargements est bien en dessous du seuil de 56% de téléchargement par la population, considéré comme minimum nécessaire pour que l’outil soit efficace. Si le seuil était atteint, cet outil pourrait à lui seul permettre de contrôler la pandémie. Ce faible niveau de téléchargement peut s’expliquer par un manque de confiance dans le gouvernement mais aussi par le fait qu’une tranche importante de la population, les ultra religieux, ne sont pas équipés de smartphones mais de téléphones « Casher », qui ne permettent pas de télécharger des applications « toxiques » pour la bonne moralité. Ils représentent 600 000 téléphones sur les 6 millions de téléphones portables actifs en Israel.
Ainsi, HaMagen 2 est un échec total, avec seulement 44000 téléchargements (soit 0.7% des détenteurs de mobiles) et 83,4% de taux d’abandon. Certains utilisateurs avaient constaté qu’elles vidaient leurs batteries…ce qui démontre que pour une utilisation à 100% du temps, les standards natifs IOS ou Android s’y prêtent mieux.
Qu’à cela ne tienne, la démocratie israélienne attendra. Netanyahu demande à ses ministres le 18 novembre de préparer le terrain à l’adoption contraignante d’HaMagen 2.
Israël et les apprentis dictateurs 2.0
La dictature digitale n’a – pas encore – le dernier mot en Israël.
Les gatekeepers que sont les juges de la Cour suprême sont interpellés quasi-quotidiennement par les associations citoyennes, pour faire réviser les lois et décrets adoptés dans le cadre de l’état d’urgence par un gouvernement, qu’aucun Comité de la Knesset ne parvient à freiner.
Parmi les voix qui se sont élevées, l’ACRI (Association des Droits Civiles en Israël) a mené de multiples pétitions contre l’utilisation des données des civils et du tracing par le Shin Bet.
Malgré ces oppositions, Israël se retrouve dans une situation plus proche de la Chine et comparable à la Turquie, la Hongrie ou la Bulgarie qui ont mis de côté les libertés civiles dans leur lutte contre le Covid-19.
Restent quelques derniers remparts face aux assauts d’apprentis dictateurs 2.0, qui capitalisent sur la crise et les nouvelles possibilités technologiques qui leur sont offertes par la triangulation des donnés de géolocalisation mobiles, le big data, et l’intelligence artificielle, pour instaurer un état de fait, qui risquerait de durer.
Difficile de savoir à l’heure actuelle ce qu’il en est vraiment, mais les autorités garantes de la démocratie et le gouvernement israélien lui-même, ont posé des limites sur l’utilisation du système de traçage du Shin Bet, en autorisant exclusivement la collecte des données de localisation à l’exclusion des autres données digitales, leur transmission aux autorités de Santé uniquement, et l’obligation de supprimer ces données une fois la pandémie terminée.
Sujet d’inquiétude, ces dernières années, par une série de réformes, le Premier Ministre a réussi à placer sous sa main toutes les agences nationales s’occupant de Cybersécurité civile et militaire, publique et privée. J’avais déjà appelé à la vigilance face à cette lame de fond. Nous sommes à présent en pleine tempête.
Depuis deux ans, le pays est aux prises avec une grave crise de gouvernance, naviguant sans budget et sortant de trois tours d’élections nationales en moins d’un an ; aucun ne parvenant pas à dégager une majorité claire, ni en faveur du parti au pouvoir, ni pour une alternance. Netanyahu est poursuivi par l’Etat d’Israël dont il dirige l’exécutif depuis 12 ans, pour 3 chefs d’accusation de corruption et d’abus de confiance. En Israël, il n’existe pas de limite au nombre de mandats consécutifs, ni d’immunité mettant à l’abri des chefs d’Etat jusqu’à la fin de leur mandat.
La crise Covid-19 s’est donc ajoutée à une crise politique profonde, le pouvoir étant exercé par des politiciens qui sur fonds de procès, cherchent depuis des mois à saper la confiance du public dans les autorités judiciaires et juridiques, et sur fonds de campagnes électorales à répétition, à monter les segments de population les uns contre les autres.
Ironie suprême, l’application Elector développée pour les besoins du parti Likud au pouvoir a été hackée par deux fois sans que les autorités ne puissent intervenir. Il s’agit de l’application mobile des militants de terrain, passant d’une maison à l’autre vous convaincre d’aller voter Netanyahu ; application s’interfaçant avec des bases de données surprenantes pour une démocratie, dévoilant les préférences de vote mais aussi les préférences sexuelles et autres petites habitudes de tous les 6,5 millions d’électeurs. Un tel scénario serait-il imaginable en France ?
Les manifestations contre la corruption du pouvoir se sont multipliées et ne désemplissent ni les places, ni les ponts et ni les rues du pays depuis plus de trois mois. Malgré l’état d’urgence, les institutions démocratiques tiennent bon, soutenues par le parti de Gantz membre de la coalition, et le Premier ministre (« Crime Minister » pour les manifestants) ne parvient pas à les interdire.
En attendant mieux, certains meneurs des manifestants disent avoir été tracés, et bloqués physiquement. Le tracking serait donc plus efficace dans certains cas ?
Les manifestants sont accusés d’être des propagateurs de maladie, même si les données ne permettent pas de démontrer une quelconque contagion, les policiers omniprésents dans ces manifestations, faisant respecter distanciation et port de masques. « Normal, ils éteignent leurs portables ! » a protesté le Premier Ministre dans une énième conférence de presse. Sidérant ! Saviez-vous que le tracking s’éteignait avec votre portable ?
A l’exception de la Chine, Israël est le seul pays à avoir eu recours aux services de renseignement pour son « intelligence Covid ».
A cet exercice, le régime chinois a été beaucoup plus efficace. Des années de pratique généralisée, un système centralisé pour ne pas dire totalitaire, et immunisé contre la contestation. En Israël, les contre-pouvoirs démocratiques sont à l’œuvre et n’ont pas permis une efficacité du tracking comparable à celle de la Chine.
Plus qu’une affaire de technologie, la lutte contre l’épidémie semble être une affaire de méthode et de bonne organisation. Et Israël n’est pas un pays de managers. C’est un pays de fonceurs. Les faiblesses d’Israël sont probablement aussi sa force. Ses garde-fous qui ont tenu bon face aux tentations de contrôle absolu ; l’autodiscipline et le civisme de la majeure partie de la population observé principalement pendant la première vague ; la magnifique mobilisation du personnel de santé ; l’appui ponctuel de l’armée quand nécessaire ; les solidarités humaines et sociales qui se sont déployées ; les entrepreneurs qui se sont mobilisés ; les ressources notamment digitales des villes et collectivités territoriales ; la capacité à rester chez soi, à s’approvisionner et à travailler à distance ; enfin, le masque qui n’a jamais manqué et qui est imposé depuis les début de la crise et en toute circonstance.
Dans cet équilibre à trouver entre nécessité de sécurité et de liberté, si l’on compare Israël à d’autres pays occidentaux et développés à valeurs morales et niveau économique comparables, il est clair qu’Israël a dû donner depuis sa création en 1948, plus de poids à la première qu’à la seconde. Mais le pays reste libéral dans son économie, dans un esprit d’entreprise, dans son esprit commando, prêt à prendre des risques, à lutter, à se mobiliser pour une cause, un pays où l’individualité et le collectif sont encore à l’équilibre.
Anne Baer, Tel-Aviv, 19 novembre 2020
Anne Baer est Ambassadrice Innocherche en Israël, CEO d’IKare Innovation, société d’Intelligence technologique, et Présidente des Conseillers du Commerce Extérieur de la France en Israël.
Recherche réalisée avec l’aide de Tehila Brenner, iKare Innovation
Voir article d’Anne Baer du 20 avril “la startup Nation face au Corona”
Annexe : Rappel des faits
- 19 février : 200 cas domestiques au total. Fermeture des frontières aux non-résidents pour éviter l’importation de nouveaux cas.
- 2 mars : élections nationales. Il s’ensuit de longues semaines de tergiversations pour établir un gouvernement de coalition entre Netanyahu, qui règne depuis 12 ans, et Gantz – l’ancien chef d’Etat-Major et son principal concurrent qui prend le portefeuille de la Défense.
- 16 mars : le gouvernement approuve la loi d’état d’urgence qui autorise le Service de Sécurité Intérieur (Shin Bet) à suivre les citoyens via la réception, collecte et traitement d’informations numériques. L’outil utilisé a été déployé de longue date par l’armée à des fins de lutte anti-terroriste et permet de collecter des données anonymes sur tous les utilisateurs de téléphones portables en Israël.
Au même moment, le gouvernement approuve la loi d’urgence sur les données de localisation, autorisant un policier à vérifier, sans mandat, les données de localisation de n’importe quel citoyen afin de maîtriser la chaîne de contamination.
- 19 mars : dépassement du seuil des 100 cas par jour et premier confinement général.
- 22 mars : lancement de HaMagen (Le Bouclier) par le gouvernement – application téléchargeable sur smartphone qui permet de savoir si une personne a été en contact avec une personne infectée. L’application récupère les données de localisation de l’utilisateur et les croise avec celles des patients Covid-19 confirmés se trouvant sur le serveur interne du Ministère de la Santé. Le téléchargement est volontaire.
- 23 mars : mise en place de comités à la Knesset (l’Assemblée nationale) afin de superviser la mise en place des dispositions d’urgence.
- 24 avril : sortie du premier confinement général qui aura duré 5 semaines. Le confinement aura permis de stabiliser le nombre de cas à un niveau inférieur à 300 jusqu’en juin où démarrera la seconde « vague ». La période de mars à juin aurait dû servir à s’organiser.
- 1er juillet : une loi autorise le traçage par le Shin Bet tant que le nombre de nouveaux cas par jour dépasse 200.
- 2 juillet : dépassement du seuil des 1000 cas par jour.
- 5 juillet : l’armée israélienne détache 300 soldats pour mener des enquêtes épidémiologiques auprès du ministère de la Santé.
- 15 juillet : loi supplémentaire autorisant l’utilisation parallèle de l’application volontaire et de l’outil du Service de Sécurité Intérieure.
- 23 juillet : la Knesset passe la loi « Major Coronavirus Law ».
- 29 juillet : lancement de HaMagen 2, la deuxième version de l’application gouvernementale, alliant Bluetooth et GPS, pour une localisation plus précise.
- Fin juillet : le ministre de la Défense Benny Gantz décide d’affecter 2000 soldats qui venaient d’être libérés du service obligatoire pour participer à l’effort dans la lutte contre Covid-19 et couper la chaîne de transmission.
- 18 septembre : Le gouvernement de Netanyahu ayant échoué toutes ces dernières semaines à imposer des sacrifices aux populations les plus touchées, à fermer certains quartiers pour préserver les autres, le cap des 10,000 cas par jour est dépassé. Israël caracole en tête des pays les plus contaminés. Profitant des trois semaines de fêtes juives ralentissant l’économie, le deuxième confinement général est décrété, poussant à la faillite les commerces qui avaient tenu la première vague.
- Septembre 2020 : l’armée réalise 10% des enquêtes épidémiologiques. Dont acte.
- 19 octobre : sortie du deuxième confinement général. Le nombre de nouveaux cas a été ramené à moins de 300 à 1000 par jour. Dépassant enfin le chantage exercé au sein de son gouvernement, Israël maintient des mesures localisées dans les villes et quartiers les plus touchés. Il s’agit de poches de population ultra-orthodoxe et arabe.
- 18 novembre : son adoption plafonnant à 15%, le Premier ministre demande à rendre obligatoire le téléchargement de HaMagen 2 par les employés du service public – l’administration et l’armée – et d’étudier les moyens de l’utiliser comme condition d’accès aux lieux publics, lieux de travail et centres commerciaux.