Economie circulaire : un buzz fort … et beaucoup d’éducation à faire

Malheureusement une grande partie de ce buzz est alimenté par du greenwashing d’entreprises et d’hommes politiques qui n’abordent  pas  correctement les problèmes. Il n’empêche que depuis que la mode s’est vu priée de se saisir du problème en constatant quel était le 2e secteur le plus polluant (G7 Biarritz Août 2019), sa force marketing a contribué à faire bouger les lignes. Les marques ne sont pas toutes cohérentes surtout celles  qui attaquent les plateformes de seconde main en disant qu’elles facilitent la vente de contrefaçons, devrait comprendre qu’il existe une meilleure façon de défendre son produit en le concevant  mieux pour une durée de vie plus longue, avec des utilisations répétées et une fin de vie prévue et optimisée pour un impact minimum.

De même que l’on est arrivé à une prise de conscience forte en matière de réchauffement climatique avec cette idée de décennie de la dernière chance, il faudrait peut-être annoncé d’ici 10 ans la fin de la société de consommation basé sur du jetable (voir notre prise de position).

 

Les points positifs :

  • Conscience collective des enjeux environnementaux … surtout chez les plus jeunes :
    • Selon une étude BCG, IPSOS Grandes écoles à l’occasion de ChangeNOW, 71% des étudiants des grandes écoles veulent travailler dans l’environnement, 55% dans les énergies nouvelles. Et le premier critère dans le choix d’un boulot devient la façon dont l’entreprise intègre les problématiques DD … avant l’intérêt du poste !
  • Quand on parle d’économie circulaire, on ne parle plus uniquement de recyclage mais de plus en plus de réemploi et de partage (cf. Interférence Brocante 3.0)  où l’on parle de l’explosion des sites de vente en ligne de produits de seconde main et le retour de magasins physiques de produits et vêtements d’occasion). On ne s’y trompe pas quand on voit que Kering vient d’investir 178 M€ dans vestiaire collective
  • La loi d’économie circulaire en France (avec par exemple l’indice de réparabilité et bientôt l’obligation d’indiquer les coûts de transport dans les achats en e-commerce) entraîne un changement dans les comportements d’achat. En regardant le coût total de possession plutôt qu’uniquement le prix d’achat, ceci  devrait encourager les fabricants à faire des efforts pour développer des produits plus durables et plus modulaires. Le Green Deal et les fonds alloués à la transition écologique et en particulier à l’économie circulaire (voir les débats sur la taxonomie européenne qui doit piloter les investissements des fonds verts dédiés) qui encouragent la recherche, les entreprises et les collectivités locales à travailler sur de nouvelles solutions.

 

Les points négatifs :

  • Certains écolos grincheux alertent sur tout ce que l’homme a fait – et fait qui ne respecte ni l’environnement ni la santé humaine. Ils ont créé un sentiment de culpabilité chez les citoyens qui cherchent à mettre en avant toute petite action qui leur permet de se racheter une conscience.  C’est le cas par exemple pour tous les ustensiles à usage unique qui visent à remplacer du plastique par du bambou avec tout l’impact écologique associé;  parce que c’est d’origine végétale, on pense que ce n’est plus un problème ?!?
  • Beaucoup d’entreprises surfent sur la vague d’un mot à la mode pour rebrander leurs activités, comme c’est le cas pour le recyclage ou tout simplement la gestion des déchets ou pour écouler les stocks d’invendus sur les sites de vente de produits de seconde main (la réglementation n’est pas encore claire)
  • Pour l’instant toutes ces activités « rebrandées économie circulaire” ne remettent absolument pas en cause notre surconsommation ni l’économie linéaire. La plupart des activités servent à gérer les externalités de l’économie linéaire et encouragent même parfois à une surconsommation.
    • Est-ce que l’on se donne les moyens d’atteindre les objectifs carbone quand on remplace la matière vierge d’une bouteille d’eau par de la matière recyclée ? Est-ce que l’on essaye de donner bonne conscience aux consommateurs ? ou est-ce qu’il ne faudrait pas changer de paradigme en remettant en cause le transport d’eau en bouteille à travers le monde et promouvoir les solutions de purification et gazéification à domicile. (cf Problème de Danone avec EVIAN = NAIVE) :
    • Un autre exemple : lorsque l’on achète un produit de seconde main, est-ce que l’on remplace l’achat produit neuf devenu indispensable …  ou on achète plus car c’est moins cher ?
    • Lorsque l’on revend un produit usagé dans un hypermarché, est-ce que le bon d’achat qui doit être utilisé dans les 15 jours n’encourage pas des achats de produits neufs que nous n’aurions pas fait autrement.
    • Sans parler des emballages jetables sur lesquels il est écrit “recyclable”, ce qui nous donne bonne conscience… alors que le tri est tellement cher et souvent si difficile que la majorité part à l’incinération …ou en chine car les réglementations limitent en France l’usage de matières recyclées dans de nombreux produits.

Enfin les jeunes … ou les moins jeunes, qui ont innové et développé des solutions innovantes pour résoudre les problèmes de la transition énergétique avec certains répondant aux principes de l’économie circulaire – ont malheureusement beaucoup de mal à trouver un marché malgré toutes les belles promesses de Greenwashing des Grands groupes et collectivités locales. C’est ce que nous a dit Bertrand Piccard à ChangeNOW sur ces 1000 innovations … peu vendent ! Faudra-t-il en arriver à l’arsenal contraignant d’une taxe carbone générale dissuasive et parfaitement progressive (On annoncerait au départ une taxe Carbone universelle à  50  /T eq CO2 qui augmenterait de façon certaine tous les ans de +10% jusqu’à l’atteinte de l’objectif de la COP21 !)

Alors pour finir sur une note un peu plus positive, on est en ce moment au début d’une révolution environnementale au moins aussi importante que celle du numérique. Comme dans toute révolution, la période de transition est chaotique surtout au début. Cette prise de conscience est nouvelle mais elle est bien là. Bertrand Piccard demande que des réglementations soient mises en place pour entraîner un changement d’usage et de comportement d’achat chez les consommateurs. Les gouvernements planchent sur le sujet et ce seront certainement des politiques du type carotte et bâton, on voit bien que les « incentives » permettent effectivement de faire bouger les comportements.

Il faut aussi se méfier de tous ceux qui condamnent l’économie circulaire car elle serait source de décroissance (dans une définition  “croissance = augmentation du PNB”  un peu surannée du terme) . À point nommé, on assiste à de plus en plus de réflexions sur la définition de la croissance pour intégrer des éléments non financiers et on peut espérer que les reportings extra financiers permettront d’aller dans ce sens.

Enfin, la première partie de la loi PACTE qui a été peu commentée, concerne toutes les entreprises. Par modification de l’article 1833 du Code Civil, elle fait obligation aux entreprises d’intégrer la responsabilité sociale et environnementale dans leurs décisions. Espérons que certaines des entreprises qui ne font que du « greenwashing » puissent être rattrapés par la patrouille ; que ce soit par la pression de leurs clients, d’associations citoyennes, les  juges devront accepter de plus en plus de plaintes venant de tout l’écosystème pour non-respect de ce nouvel article 1833 du code civil.

Quand on voit comment des entreprises comme Nike ou Adidas font croire à leurs clients qu’ils vont ensemble sauver la planète et les océans en éliminant le plastique et en utilisant des bouteilles de plastique pour faire des vêtements ou des sneakers qui à la fin deviennent encore moins recyclables, on peut penser que sous la pression, ces incohérences ne pourront plus être tolérées plus longtemps.

Il va falloir donner du temps au temps et surtout éduquer, éduquer, éduquer…

 

Anne-Christine AYED et tous les membres du TT Retour à l’économie circulaire.
Juin 2021