Enseignement sur l’Hydrogène

Ce que j’ai appris cette semaine en provoquant les gens sur l’hydrogène.

Pour certains, ce qui choque beaucoup dans tout ce qu’on a écrit pour faire réagir,  c’est la mention d’un passage de “l’ère énergie fossile à 80% à une ère hydrogène à 80%.” … Il aurait fallu dire  passer à « une ère solaire dont le vecteur serait l’hydrogène ». D’accord, c’est marketing moins puissant mais c’est peut-être scientifiquement plus exact.

 

Qui déclare que telle ou telle  technologie comme le FuelCell ou les panneaux voltaïques surfent sur la loi de Moore ?

La réponse est simple : ça ne se décrète pas, ça s’observe. On observe que les panneaux photovoltaïques sont à -19% par an depuis 10 ans alors que tous les experts disaient au mieux   -10%/an !

Et ensuite, on peut espérer, anticiper qu’une technologie surfe sur la loi de Moore si elle remplit les 2 prérequis : infiniment petit  et marché de masse

  • l’électrolyse de l’eau pour faire de l’hydrogène (nous recherchons les données historiques)
  • ou la pile à combustible. (FuelCell) (voir données ci dessous)

 

Où en sommes-nous sur les mesures empiriques de la loi de Moore pour les techno Hydrogène verte ?

Dans un très bon interview, Daniel Hissel, Médaille d’or de l’innovation CNRS,  dresse un état des lieux qui permet de déduire depuis 20 ans des taux de croissance supérieurs aux batteries où panneaux photovoltaïques.

“Le DOE avait fixé ,sur une base de 500 000 unités produites par an, qu’ il faudrait une durée de vie de l’ordre de 5 000 à 8 000 heures, soit 400 000 kilomètres. La compacité ne devrait pas dépasser 1,5 kW/l (une pile à combustible produisant 1,5 kilowatt doit occuper un volume inférieur à un litre). Question rendement énergétique, il faut que 60 % de l’énergie chimique des molécules de H2 soient convertis en énergie électrique. Enfin, le coût ne doit pas dépasser les 40 €/kW de pile, sachant que pour équiper une voiture, environ 30 à 40 kW (= 53 HP) sont nécessaires, soit 1 600 €.

Où en sommes-nous ? L’objectif est atteint quant à la compacité. Côté durabilité, nous atteignons 4 000 heures. Sur le rendement, nous parvenons à 55 % (le meilleur moteur à explosion ne dépasse pas 25% de rendement après plus d’un siècle de développement. D’après Wikipedia, Most iron engines have a thermodynamic limit of 37%. Even when aided with turbochargers and stock efficiency aids, most engines retain an average efficiency of about 18–20%”)  Et sur le prix, comptez entre 50 et 60 €/kW pour une production projetée de 500 000 unités par an. Bref, les objectifs sont partout en vue, voire atteints.”

En ce qui concerne la loi de Moore, il observe qu’au cours des 20 dernières années,  les performances de la pile à combustible font x40 … ce qui se traduit par un taux exponentiel moyen de +21% par an. ( mieux que le 17% ou 19% des PV et batteries).

 

et pour l’électrolyse: a-t-on mesurer son taux exponentiel  ?

Toujours d’après le même expert … “les détracteurs évoquent souvent le rendement de cette filière de production d’hydrogène qui serait mauvais… Bien entendu, le rendement de l’électrolyse se situe aux voisinages de 70%, ce qui peut sembler faible, par rapport à des sources énergétiques fossiles qui sont immédiatement disponibles. Mais ceci est à nuancer par l’excellent rendement électrique des systèmes piles à hydrogène : ce dernier peut dépasser les 50% ce qui est beaucoup en comparaison du rendement des machines thermiques. Et surtout, si nous nous plaçons d’un point de vue financier, la source primaire (vent, soleil, etc.) est gratuite… Bref, la question du rendement ne saurait constituer un argument sérieux contre le candidat hydrogène. Passons au critère suivant, l’accessibilité en tout point de la planète” 

Il y a beaucoup de voies de RD sur d’autres technologies pour l’électrolyse de l’eau (ici)

Rappelons que dans son analyse de coût, l’Hydrogène council table sur 13% de Learning rate pour l’électrolyse (PEM) ce qui doit être considéré comme un minimum car cela ne prend en compte que l’économie d’échelle et pas la loi de Moore.

 

Et puis en termes d’accès aux matières premières ?

Il y a plusieurs niveaux de réponse :

  1. Sur le platine proprement dit, Daniel HISSEL situe bien les ordres de grandeur : “Les véhicules thermiques aujourd’hui embarquent déjà du platine, dans leur pot d’échappement « catalytique ». Entre 2 et 8 grammes par pot, ce qui n’est pas négligeable. Dans une pile à combustible destinée à l’automobile, il en faut entre 10 et 20 grammes. C’est encore trop, mais on peut espérer diminuer cette quantité. Par ailleurs, le platine est l’un des rares métaux pour lesquels il existe une filière de recyclage efficace à l’échelle mondiale, grâce au pot catalytique. Donc non, l’utilisation du platine n’est pas un frein à l’heure actuelle. Il faudra néanmoins toujours gérer au mieux son recyclage”
  2. Et puis l’autre argument, c’est comme pour les batteries. Si aujourd’hui on se focalise sur un type de matériaux, nous avons vu dans des laboratoires de R&D des tas d’autres projets en cours de développement se focalisant sur d’autres composants de la classification périodique. Si le Platine devient trop cher, malgré tous les progrès sur les surfaces avec les nano matériels, les alternatives verront le jour.

 

Il faut calculer l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) de tous ces investissements !!!

Ces calculs sont importants à court moyen termes. Mais à long terme  on bute sur un autre problème qui est lié à la loi de Moore. Quand on fait cette analyse sur le cycle de vie, on regarde combien d’énergie cela consomme, soit de construire une éolienne soit de construire un panneau photovoltaïque : de l’installer, combien d’énergie cela va consommer, le maintenir, le faire marcher, et puis en fin de vie, qu’est-ce qu’on va faire de tout cela quand on va le démanteler. Et là, c’est très important parce que le paradigme de base  c’est « toute chose étant égales par ailleurs » : dans la fin de vie, vous vous dites l’acier on va le recycler comme cela, cela va coûter tant… Le panneau photovoltaïque on va en faire ça et ça…

Ce qui peut être calculé avec une bonne fiabilité pour une éolienne – qui ne surfe pas sur la loi de Moore  (parce qu’on ne touche pas à l’infiniment petit) la seule chose qui fait progresser l’éolienne c’est le marché de masse (les études BCG etc.) Mais pour des technos qui potentiellement surfent sur la loi de Moore, qui peut dire ce que sera dans 10 ans pour le marché du recyclage ? Qu’est-ce qu’on fera dans 10 ans du platine d’une FuelCell qu’on va recycler ? … Et là, on n’est pas dans « toute chose égale par ailleurs ».

Sinon confirmation, cela commence à bien être admis sur le fait que le réseau gazier va servir à transporter de l’hydrogène, que cet hydrogène c’est sûr, comme il est très petit, aura tendance à filtrer parmi les joints, si on veut vraiment mettre que de l’hydrogène, il faudra changer tous les joints. L’hydrogène cela fuit un petit peu, cela s’envole très vite ; il y a juste que quand c’est confiné – comme l’accident qu’il y a eu en Corée – cela peut exploser. Mais en même temps, les cages d’escalier qui explosent à cause du gaz naturel, malheureusement nous avons des faits divers tous les ans là-dessous…

 

A côté du modèle “Hydrogène Global” avec transport par pipeline, y a t-il un modèle local ?

Et puis, in fine, à côté de ce marché macro de production d’hydrogène qu’on transportera demain dans des gazoducs reconditionnés pour utiliser uniquement de l’hydrogène, et bien il faut poser l’autre modèle qui est le local – que cela soit le modèle de la station-service de demain avec un écart de champ derrière, des paraboles qui suivent le soleil, qui concentrent les rayons sur un petit réacteur de quelques centimètres carrés qui va chauffer l’eau à 2200° pour la craquer et stocker l’hydrogène – pour cela, je vous rappelle y a un brevet, cela a été prouvé sur la paillasse et maintenant il faut passer au stade industriel – ou l’autre possibilité, surtout si on croit à la loi de Moore, c’est chacun chez soi avec 10m² de toiture est capable de produire assez d’électricité pour faire tourner un bon petit électrolyseur et stocker son hydrogène et le mettre dans son réservoir à hydrogène de sa voiture ou le stocker pour futur utilisation dans sa maison.

C’est cela les alternatives qu’il faut étudier. Il faut bien regarder les ordres de grandeur et ce que cela donne aujourd’hui et ce que cela pourrait donner dans 10 ans si cela surfe sur la loi de Moore à des taux de 17% ou 19% par an. Je vous suggère de nous concentrer là-dessus dans les prochaines semaines. 

En attendant, « Innovation comes on the fringe », les experts sont un peu déboussolés et il y en a beaucoup qui n’aiment pas qu’on vienne les chahutés.

PS:   Rappelons qu’il y a d’autres sources de production d’hydrogène vert au stade R&D, soit par cracking thermique de l’eau à 2200°C (dossier technique) soit encore par pyrogazéification du chanvre

 

Bertrand Petit, Président d’InnoCherche
Pour InnoCherche, décembre 2020