Synthèse Smartcity : face aux enjeux, du sérieux et revenir aux fondamentaux
Depuis le début du confinement, nous suivons des méga-trends post covid notamment dans le domaine de la Smart City. En termes de prise de parole, les trends s’accélèrent et les pros de la ville qui parlaient de la transition numérique parlent maintenant de la transition climatique. C’est certain il y a entre les deux domaines, à la fois des zones d’intersection importante, par exemple la transition climatique et donc énergétique, ne se fera pas sans une infrastructure digitale forte (cf. mobilité pour tous, smart grid) mais aussi des enseignements à tirer en termes de gouvernance pour éviter de nous retrouver dans 10 ans, comme nous le sommes aujourd’hui avec la transition numérique , dans un abîme de perte de sens et de confiance.
Dans le même temps, relevons de façon critique que le champ sémantique des pros de la ville, n’est pas avare de slogans et de hashtags simplistes qui nous enferment rapidement dans un cercle… irrespirable. On use et on abuse de “la ville du quart d’heure”, la ville “résiliente” sans oublier “Biodivercity” . On sait depuis l’antiquité que les villes sont des lieux de rencontre, innovants et puissants, par définition denses et mixtes dans lesquels se jouent des phénomènes de proximité, de centralité et par voie de conséquence d’attractivité. Bref la ville n’attends pas le marketing pour se transformer.
Comme nous l’avons vu durant ce semestre, le télétravail a profondément changé notre perception du temps et de l’espace et cela a été un déclic majeur pour beaucoup de dirigeants. Si on peut faire la plupart du boulot en dehors du bureau, quelle est la justification de s’y rendre et d’y sacrifier deux heures de transport. Rappelons qu’au mois de mai 2020 nous avions déjà effectué un calcul sur les ordres de grandeur en termes de mètres carrés de bureaux nécessaires. Fin 2019 il n’y avait en France que 5 pour 100 des salariés pratiquant au moins un jour de télétravail. 3 mois plus tard pendant le confinement 1/3 des salariés pratiquez le télétravail à 100 pour 100. Maintenant dans un retour à la normale on considère que 1/3 des salariés vont au moins pratiquer le télétravail un ou 2 jours par semaine. Donc ce passage rapide de moins de 5 % en 2019 à 1/3 des salariés faisant 2 jours de télétravail par semaine, devrait avoir un impact sur les m² de bureau à proposer. A l’époque nous avions calculé un ordre de grandeur pour représenter en Île-de-France une baisse de 13% ( ⅓ x 2 jours/5 = 13%) d’ici 8 ans (fréquence des déménagements). CBRE conseil en immobilier d’entreprise, avec plus de recul, a annoncé le même ordre de grandeur : moins 15% mais sur une période étalée sur 10 ans pour prendre en compte des effets d’inertie propre aux engagements contractuels immobilier.
Mais c’est surtout au niveau qualitatif qu’il faut ré-envisager les m² de bureau ; plus question d’accepter des open Space ou chacun devait s’isoler devant son écran avec un casque anti-bruit. « si je viens au bureau c’est pour vraiment faire des rencontres et échanger et il faut prévoir des espaces adaptés »
Rappelons ici que par exemple en région parisienne, les bureaux représentent x% des m² contre y% pour les commerces et Z% pour l’habitat selon l’APUR la surface bâtie de Paris intra-muros en 2015 était de 148M de m2, dont 95M de logements, 17M de bureaux, et 5M de commerces
Pour les commerces nous l’avons vu dans notre interférence brocante 3. 0, on peut attendre une transition rapide vers d’autres concepts de magasins notamment dans les centres commerciaux. (lien brocante 3.0). Il y a beaucoup de veille à faire avec des transpositions à imaginer. On peut certes parier sur une poursuite de la montée du e-commerce … mais on ne peut pas être certain que nous allons passer dans un avenir à 10 ans de 14% (moyenne Européenne 2020) à 50% de e-commerce comme le connaît la Chine aujourd’hui. Mais cela reste un scénario à envisager. De façon générale, l’empreinte du commerce de ville se modifiera à nouveau, beaucoup de points de vente tendent à libérer de l’espace pour aménager des espaces de stockage ou de click and collect.
Ce qui rend la question de la ville de demain passionnante c’est que les évolutions des usages sont rapides mais l’urbanisme est quant à lui dans un temps long.
Nous avons assisté dès les premiers mois de la pandémie à une première vague de migration des familles parisiennes vers des villes de périphérie qui était déjà bien préparées pour faire valoir leur qualité de vie. A terme, ces choix de vie seront certainement validés par l’employeur qui laissera une certaine flexibilité pour le télétravail,en tout cas dans les grands groupes ensuite comme chaque année se posera la question à la rentrée des écoles et là-dessus la ville garde de beaux atouts.
Avec ce faisceau d’éléments nouveaux et d’incertitudes, les acteurs de la ville en matière d’urbanisme et les investisseurs doivent prendre des décisions. On regrettera à ce sujet l’éparpillement des forces et des compétences. Chacun attendant que l’autre apporte une expertise sur la question environnementale ou sur une innovation rendue nécessaire. Dans ce domaine le BTP qui est tout en amont non pas de la décision mais de l’exécution et donc des préconisations manque globalement d’expertise (évidemment cela ne concerne pas nos majors du BTP ) notamment sur les problématiques de développement durable. En conséquence, pour satisfaire aux exigences de communication du moment, beaucoup de d’aménageur ou d’investisseur voire de promoteurs passent en aval dans leur cahier des charges des nouvelles contraintes parfois tout à fait irréalistes. Ce qui peut entraîner une réelle déception en phase d’exécution. La chaîne de valeur Investisseur promoteur et BTP gagneraient à se consolider un peu plus.
Travaillons donc ensemble à cette mise à niveau urgente étant donnés les enjeux.
Laurent LEHMANN et les membres du TT Smart City.
Juin 2021