Ukraine : Les défis de la reconstruction des logements

Temps de lecture :  5 minutes
Par Laurent Lehmann, Sofiana Fatealy

Avant-propos

Jamais en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, un État n’avait subi autant de destructions civiles que l’Ukraine, le second pays le plus vaste d’Europe. Quelle que soit l’issue du conflit, la reconstruction est déjà en marche à l’échelon géopolitique et diplomatique. De façon plus terre à terre et en nous approchant des besoins quotidiens de la population, nous avons souhaité chez InnoCherche nous pencher sur les défis de ce chantier et plus particulièrement sous l’angle du logement.

Rappelons que nous ne sommes pas un think tank, notre raison d’être n’a pas le souhait d’influencer les politiques publiques, pas plus que nous n’avons vocation à éditer des livres blancs. Plus modestement, nous croisons les points de vue avec des veilleurs sectoriels actifs, et nous nous donnons les moyens de la pédagogie. Dans ce cadre, la verticale consacrée au thème de la smart city, nous a permis en trois ans de multiplier des sujets opérationnels qui ont rencontré les préoccupations du monde de l’entreprise, mais ont aussi rendu possible, pour des veilleurs en pointe, de s’interroger sur les pratiques urbaines contemporaines.

Nous partirons des chiffres clés et des cartes disponibles, pour bien situer la dimension de ce chantier, puis nous observerons la situation économique enfin, nous poserons des hypothèses en matière de choix constructif, logistique et méthodologique. La gouvernance ne sera pas abordée, sauf à détailler les acteurs et les initiatives les plus visibles déjà en action.

L’intérêt de cet atelier permettra sans doute d’imaginer ce que pourrait être en Europe à une échelle XXL un chantier de reconstruction vertueuse BBB (Building Back Better) permettant de conjuguer l’urgence…de se loger et aussi de faire une place au futur du logement au sein de cette vaste plaque géographique. Rappelons que le parc de logement collectif détruit aujourd’hui en Ukraine soit 14.OOO immeubles en mai 2022, est largement issu de l’ex-Union soviétique ou vivent quelque…300 millions de personnes.

A.    Repères en cartes et en chiffres

         1. La concentration urbaine 

Source : populationdata.netLe pays avant le conflit comptait 43,81 millions d’habitants. Cette carte nous montre que la population ukrainienne est urbanisée, en effet, les villes comptent 32 millions d’habitants tandis que les ruraux, atteignent 16 millions d’individus et représentent 33% de la population.
On compte par ailleurs 2,6 millions d’habitants dans la capitale Kiev et dans les plus grandes villes ukrainiennes :  Kharkiv (1,4 million), Dnipropetrovsk (1 million), Odessa (1 million), Donetsk (1 million), Zaporijia (815 000), Lviv (733 000), Kryvyï Rih (669 000), Mykolaïv (514 000), et Marioupol (492 000).
En 2019, les ukrainophones comptaient 33 millions de locuteurs (75,5 %), alors que les russophones comptaient 7,5 millions de locuteurs, soit 17,2 % 

         2. L’économie  

Source : Légendescartographie.comLe PIB par habitant est faible, il s’élevait à 4800$/habitant avant la guerre (France entière, 34.000€/habitant en 2020). L’Ukraine possède des réserves naturelles importantes notamment en matière d’énergie, mais aussi surtout grâce à son agriculture ce qui lui permet d’être un exportateur important de céréales à travers le monde.
De plus, l’Ukraine est un pays qui sur sa frontière orientale possède des richesses importantes en matière minière, ce qui explique également l’intensité des conflits répétée avec la Russie dans cette région. L’Ukraine est un pays indépendant depuis 1991, au moment de l’effondrement de l’ex-Union soviétique. On observe aussi par analogie avec l’étymologie du mot Ukraine, qui signifie la bordure, la frontière, qu’historiquement ce pays possède une histoire tumultueuse avec ses voisins. Aujourd’hui le pays a de très longues frontières principalement avec la Biélorussie, la Pologne, la Moldavie et avec la Russie. 

         3. Exportations et part du marché mondial par secteurs 

L’agriculture, les services puis les métaux sont les trois premiers secteurs exportateurs de l’Ukraine.  

         4. Quelles sont les sources d’énergie produites et consommées ? 

Concernant sa production énergétique, ce graphique nous explique que celle-ci est plutôt gouvernée par le nucléaire, car elle possède 4 grandes centrales nucléaires totalisant 15 réacteurs et que l’Ukraine fait partie des principaux producteurs d’énergie nucléaire dans le monde.
Par ailleurs, l’Ukraine achète du gaz de schiste à ses voisins européens, la Slovaquie et la Pologne. La production de charbon étant quant à elle constante, cela a permis à l’Ukraine de se hisser à la 8e place dans le monde.

Comme nous pouvons voir sur le graphique ci-dessus, avant le conflit, son secteur d’énergie se caractérisait surtout par l’usage des combustibles fossiles, qui pesaient pour la consommation intérieure (charbon : 29,2%, Gaz naturel : 26,2%, pétrole : 15,1. Le nucléaire conservait une place importante et représentait 24% par rapport aux énergies renouvelables stabilisées à 5,6%.

         5. Quelles conséquences dans le secteur énergétique ?    

Face à la guerre en Ukraine, selon l’agence internationale de l’énergie (AIE) a été accéléré, le mouvement mondial vers les énergies renouvelables ».
En effet, le secteur de l’énergie est fortement touché. Le rapport dressé par l’AIE nous montre que le marché du gaz naturel, du charbon et de l’électricité sont ceux qui ont été les plus volatiles.
Pour Fatih Berol qui est le directeur exécutif de l’AIE, « les marchés et les politiques de l’énergie ont changé, non seulement pour la période actuelle, mais pour les décennies à venir », il ajoute « Même avec les paramètres politiques d’aujourd’hui, les réactions des gouvernements du monde entier promettent d’en faire un tournant historique et définitif vers un système énergétique plus propre, plus abordable et plus sûr ».

À terme, une diminution de l’usage du charbon
Pour permettre des solutions de substitution au gaz russe, c’est l’ensemble des énergies fossiles qui sont affectées, par une demande assez volatile, déstabilisant les cours. À terme, les besoins en électricité devraient croître la pression de nouvelles mobilités que par pression de l’Union européenne pour inciter à l’usage de l’électricité. Celle-ci devant être en majorité produite par des centrales propres et émettant le moins de CO2 possible. À terme, c’est bien des années 2020 à 2050.
Toutefois, à l’avenir d’immenses réserves de gaz naturel restent à exploiter, les seconde plus importante connues en Europe. C’est aussi une des raisons sous-jacentes des conflits entre la Russie et son riche voisin. Naftogaz la puissante société locale sera amené à jouer un rôle considérable dans les mois à venir, autour du plateau continental de la mer Noire aussitôt le conflit achevé. La Crimée, riche en pétrole et en gaz pourrait par ailleurs à nouveau devenir un enjeu.
Qu’en est-il de la Russie ?
L’Union européenne a décidé de réduire sa consommation de gaz russe en privilégiant désormais de plus en plus les énergies renouvelables, et le GNL en provenance des USA, de l’Afrique du Nord et du Qatar. Selon l’AIE, « Les exportations russes de combustibles fossiles ne reviendront jamais aux niveaux observés en 2021, car la réorientation de la Russie vers les marchés asiatiques s’avère particulièrement difficile pour son gaz naturel. La part de la Russie dans les échanges énergétiques à l’échelle internationale, qui s’élevait à près de 20% en 2021, va tomber à 13% en 2030 selon le scénario des « politiques déclarées », tandis que les parts des États-Unis et du Moyen-Orient augmentent.

B.    La gouvernance

De façon synthétique et sommaire, retenons que les principaux soutiens occidentaux à l’effort de guerre en Ukraine, sont d’une part ses partenaires historiques, bénéficiant d’une expérience de terrain affirmée, dont la France dans l’agrobusiness et les services. Le pays le plus présent financièrement est l’Amérique, puis l’Europe et enfin les autres pays du G7. Les facteurs déterminants de la compréhension des enjeux actuels pour l’ensemble des gouvernements, apportant leur aide à l’Ukraine dans son effort de guerre, restent la stabilisation du flux migratoire. Ce sont en effet 8 millions d’Ukrainiens qui ont quitté le territoire, et 6 millions de déplacés. Les régions de l’est sont les plus touchées comme le montrent les cartes jointes.

Enfin un ensemble de conférences internationales portant sur l’évaluation des besoins ont pris place depuis mai 2022. La dernière en date s’est tenue à Paris dans la semaine du 12 décembre 2022. En marge de cette conférence internationale ou l‘ensemble des besoins de reconstruction sont évalués autour de 350MD$ la France a réuni des entreprises de premier plan pour offrir son concours concret. De façon générale les entreprises privées ne souhaitent pas investir sur un territoire en guerre, mais les lettres d’intention sont positives et volontaires dans tous les secteurs économiques concernés, dont le bâtiment. La question de savoir comment et qui va payer pour ces montants provisoires est ouverte. Les avoirs gelés de l’État Russe, auprès des États étrangers, sont envisagés par certains pays comme une source possible, pour autant que le droit international n’y fasse pas obstacle.

La carte de USAID, le principal soutien américain à l’effort de reconstruction, les secteurs en besoin par plaque géographique.

C.    Les acteurs potentiels de la reconstruction de l’Ukraine 

Ce schéma montre que la « Marshallisation » est dans tous les esprits et c’est aussi un mot qui a été repris lors de la dernière conférence internationale qui s’est tenue à Berlin à la fin du mois d’octobre à l’initiative du G7. En effet, au début du conflit, lors de la conférence qui s’est tenue à Lugano, en juillet, les experts ukrainiens parlaient d’un effort global de reconstruction d’un budget évalué à 750 milliards de dollars. On aujourd’hui de 350 milliards de dollars.

De plus, sur le plan de la reconstruction, on va retrouver les grandes forces de la diplomatie internationale, des acteurs bilatéraux, mais aussi multilatéraux. Pour le bilatéral, il est important de comprendre qu’il y a une force très puissante dont on ne mesure pas réellement l’importance, mais le fait que l’Ukraine soit un pays frontière entre beaucoup de nations voisines nous laissent à penser que les pays comme la Moldavie, la Pologne, la Roumanie, tous les pays proches de l’Ukraine vont activement participer à cet effort, il y a une vraie force régionale qu’il faudra prendre en considération. On aura aussi notamment un poids considérable des États-Unis à travers ce programme que nous avons vu plus haut « USAIDS », on retrouvera derrière celle-ci tous les autres acteurs multilatéraux tels que les organisations internationales.

D.    Next

Notre prochain volet qui se tiendra en janvier, abordera la question du BTP local lié ou non aux forces régionales. Nous nous intéresserons bien sûr à la manière dont on va reconstruire le logement, quels seront les ressources qui vont être utilisées, en n’oubliant pas que l’Europe a un programme qualitatif « BBB », signifiant « Build Back Better », dont l’objectif est de mieux reconstruire, plus durablement et de manière plus résiliente.

Nos principales sources (sitographie)
  • populationdata.net
  • Atlas of economic complexity
  • Légendescartographie.com
  • https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/ukraine-1demo.htm
  • https://www.iea.org/


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