Anne Baer, Ambassadrice Innocherche Israel et Ceo iKare Innovation, Tel-Aviv, 05.04.2020

Où en est Israël ? La Startup Nation gère-t-elle mieux que d’autres la guerre contre le coronavirus, les incertitudes, et les opportunités ? Dans quelle mesure son modèle de développement peut-il aider à vaincre puis à survivre à l’ère post-Corona ?

Et la crise politique actuelle a-t-elle affaibli sa gouvernance ? 

La pandémie est survenue en l’absence d’un gouvernement officiel depuis la dissolution de décembre 2018, aucune coalition n’ayant été trouvée malgré les deux élections législatives successives de 2019. La crise au pouvoir et la crise institutionnelle exerce une pression accrue sur la confiance du public, le consensus, la démocratie et la gouvernance.

Le 26 mars, l’ancien Chef d’Etat-major Beni Gantz, principal challenger au Premier ministre de transition Benjamin Netanyahu, accepte d’entrer dans un gouvernement d’urgence unifié, rétablissant ainsi le travail du parlement et une majorité confortable pour faire face aux nouvelles législations. 

Cette annonce devrait rassurer les milieux d’affaires et d’investissement dans la capacité d’Israël à faire face à la crise et à prendre les mesures sanitaires et socio-économiques nécessaires. Le 29 mars, le parti travailliste annonce vouloir se joindre à la nouvelle majorité. 

Ces évolutions ont permis de débloquer le paquet gouvernemental Corona : passé en quelques jours de 8 milliards de shekels à 80 milliards (20 milliards d’euros), soit 6% du PNB. La moitié ira aux entreprises, le quart aux filets de protection et allègements sociaux et 11 milliards pour le système et les mesures sanitaires. Une réserve de 7 milliards est créée pour prévenir les défaillances d’entreprises et investir massivement dans les secteurs de la santé, des infrastructures et du bâtiment. (Annonces du 30 mars)

Le 30 mars, le Premier ministre, âgé de plus de 70 ans, est placé en quarantaine préventive, suite au diagnostic d’une de ses conseillères. Le 31 mars, c’est au tour du chef d’Etat-Major des armées. Le 1er avril, tel une mauvaise blague, c’est le Ministre de la Santé qui est diagnostiqué. La liste des dirigeants en quarantaine s’allonge, du Premier ministre à tout l’establishment du ministère en passant par le chef du Mossad.

 

Chronologie du Coronavirus

Le premier cas de coronavirus en Israël a été confirmé le 21 février : une citoyenne testée positive pour le virus après son retour de quarantaine sur le navire Diamond Princess.

En conséquence, l’isolement à domicile de 14 jours a été décrété pour toute personne visitant la Corée du Sud ou le Japon, et une interdiction d’entrée sur le territoire a été imposée aux non-résidents et aux non-citoyens ayant visité la Corée du Sud dans les 14 jours qui précèdent.

Le 2 mars : élections législatives. Les électeurs confinés votent dans des bureaux sécurisés.

Le 11 mars, Israël a limité les rassemblements à 100 personnes.

Le 15 mars, les rassemblements étaient limités à 10 personnes, les participants étant invités à garder une distance de 2 mètres.

Le 19 mars, le Premier ministre déclare l’état d’urgence sanitaire, durcissant le confinement, et imposant des amendes particulièrement élevées de 1500 euros aux contrevenants (entreprises et les particuliers) voire jusqu’à de 6 mois de prison pour les récidivistes. Les Israéliens ne sont plus autorisés à quitter leur domicile, sauf en cas d’absolue nécessité. 

Le 20 mars, la première victime à succomber est un survivant de l’Holocauste âgé de 88 ans.

Les mesures coercitives sont mises à jour presque quotidiennement. L’activité est réduite aux commerces et services essentiels, au total 30% de la population active.  Au 31 mars, ils sont réduits à 15%. La population est confinée à 100 mètres du domicile, une sortie par jour, sous surveillance digitale et policière. Les pharmacies et commerce d’alimentation demeurent ouverts, et les services de livraison sont progressivement limités à la nourriture et aux médicaments. En outre, les transports en commun sont suspendus et seuls les membres d’un même foyer sont autorisés dans le même véhicule.

Le 30 mars, les « rassemblements » dans l’espace public ne sont plus autorisés que pour deux membres d’une même famille.

 

Épidémiologie

Entre le 20 février et le 5 avril, Israël est passé de 1 à 8018 cas et 48 décès, maintenant à ce jour un faible taux de décès (5,5 pour 1 million). Source : Ministère de la Santé, Israël

Ci-dessous les courbes de 5 pays. Pour établir une base de comparaison, les données sont représentées à compter du jour où a été enregistré le 100ème malade, et mesure la progression du virus et sa morbidité. (Nous avons choisi de ne pas inclure les Etats Unis dont la courbe sortait du cadre de manière très préoccupante.)

 

Mesures différenciées prises par les autorités

Durant deux semaines, du 17 février au 4 mars, alors que le nombre de cas était encore inférieur à 20, Israël a été très rapide à isoler, puis interdir, les voyageurs étrangers et à isoler les Israéliens rentrant de l’étranger, en commençant par l’Asie puis en étendant à l’Europe et aux États-Unis. Depuis le 4 mars, les touristes en provenance de France, qui ne peuvent prouver leur nationalité ou leur résidence, ne sont plus autorisés à entrer sur le territoire.

Israël a réagi assez rapidement afin d’éviter un scénario italien, sachant qu’il ne peut pas compter sur son système de santé et hospitalier surchargé pour faire face à une propagation contagieuse rapide de la maladie.  Le nombre de lits d’hôpital pour 1000 habitants est de 2.2, versus 3.6 en moyenne OCDE, et 4.1 en Europe.

Les mesures d’isolement ont été adoptées plus rapidement que dans d’autres pays, mais sans être associées à une campagne de tests systématiques à l’instar de la Corée du Sud ou Singapour.

Dès le vendredi 20 mars, une première installation drive-in de test a été inaugurée à Tel Aviv, avec une capacité de réaliser 1 500 tests par jour. De nouvelles installations de dépistage des coronavirus au volant ont été ouvertes dans les grandes villes de Haïfa, Jérusalem et Beersheba, alors que le gouvernement cherche à augmenter considérablement le nombre de tests qu’il effectue quotidiennement, en adoptant une stratégie plus systématique, de 10000 test par jour. Cet objectif n’est toujours pas atteint au 5 avril, le nombre de tests disponibles ne permettant pas de maintenir le rythme. 

Afin de soulager les hôpitaux, le gouvernement a dans un premier temps sous-traité une chaîne privée d’hôtels 4**** pour héberger les patients les moins atteints. Les suivants seront peut-être moins bien lotis ; les écoles vidées de leurs élèves pourront également être sollicitées.

Le 26 mars, Israël autorise l’utilisation compassionnelle de médicaments non approuvés pour traiter le coronavirus, comme la chloroquine ou son dérivé pour les patients dans un état modéré, et le Remdesivir pour les cas plus graves.

 

Restrictions à la liberté individuelle

En Israël on s’embarrasse moins de principes qu’ailleurs. Capitale mondiale du cyber, l’adoption controversée d’outils de surveillance Corona vient remettre un coup de projecteur sur les droits fondamentaux et le respect de la vie privée : le 19 mars, la Cour suprême commence par statuer contre, et cinq jours plus tard s’exprime en faveur d’une réglementation d’urgence permettant à la police et au Shin Bet (services de renseignement intérieur) d’obtenir et d’utiliser des informations sur les patients atteints de coronavirus sans mandat, à fin de localisation, traçage sur 14 jours rétroactif, et contrôle du respect de l’isolement.

Dans l’intervalle, similaire à TraceTogether – l’application développée par Singapour, le ministère israélien de la Santé sollicite l’Israélien GlobeKeeper dont l’application HaMagen est en ligne depuis le 23 mars sur une base volontaire, et pour une surveillance civile, permettant à l’utilisateur de savoir s’il est entré contact avec un patient coronavirus.

Bien que le même type de surveillance numérique soit entré depuis en vigueur dans beaucoup de pays plus pointilleux qu’Israël sur le respect de la vie privée, la controverse n’est pas encore abolie en Israël, par exemple quand il est apparu que les derniers numéros composés sont utilisés pour localiser les personnes avec lesquelles vous avez été en contact.

Le Corona s’est engouffré dans les failles de la société israélienne et le pouvoir paye aujourd’hui pour avoir laissé s’installer des « territoires perdus de la république ». Le ministre de la Santé issu de la minorité ultra-orthodoxe qui soutient le gouvernement provisoire Netanyahu depuis 10 ans, porte une lourde responsabilité et incarne à lui-seul cet échec. Il a fait obstacle à l’application des mesures d’isolement nationales à sa propre communauté – 11% de la population – qui enregistre aujourd’hui les plus forts taux de contamination du pays. Allant jusqu’à refuser de se faire contrôler sa température à l’entrée du parlement, et pour finir atteint de Corona.

 

Mobilisation de l’armée et du Mossad

Contrairement à la plupart des pays occidentaux, le service militaire est obligatoire en Israël. On estime que le personnel des forces armées d’active et de réserve représente 7,3% de la population totale, avec un budget de défense de 20 milliards USD.

En contradiction avec les plans nationaux, c’est au modeste ministère de la Santé qu’a été confiée la gestion de la crise, sous le contrôle direct du Premier Ministre. L’armée a été laissée relativement en retrait. Dans les limites de ses contraintes, à fin de conservation de ses capacités de préparation et de dissuasion en cas de conflit, Tsahal s’est pourtant porté volontaire pour affecter des soldats et des ressources à l’effort national. Notamment, Les soldats serviront de force auxiliaire à la police israélienne, qui est légalement habilitée à faire respecter le verrouillage, ainsi qu’aux travailleurs sociaux et de santé sur le terrain. Une salle de contrôle est en cours de création dans l’une des bases aériennes.

Comme on pouvait s’y attendre l’armée et ses organismes satellitaires vont faire preuve de réactivité et d’inventivité.

En plus des « hôtels Corona » civils existants, le chef du commandement du « front intérieur » (l’arrière) a annoncé l’ouverture de deux « hôtels Corona » militaires, des installations collectives de récupération pour les cas légers.

Plus tôt cette semaine, l’Inspecteur général de la police, a révélé certains détails du plan de surveillance à activer si nécessaire. Le pays serait divisé en quadrants, contrôlé par un capitaine et une équipe d’officiers de police et de soldats, qui en surveilleraient les limites et les mouvements. Des centaines de policiers seraient déployés dans des villes et villages et stationnés aux côtés des soldats.

Le MAFAT – la direction de la recherche du ministère israélien de la Défense a créé une équipe nationale d’urgence interinstitutionnelle et multidisciplinaire pour le développement de technologies de lutte contre l’épidémie. Appelant à des partenariats public-privé, le ministère de la Défense développera des appareils respiratoires. L’équipe utilise à la fois des technologies civiles et militaires, le big data, l’IA, les systèmes de commandement et de contrôle, des capteurs et les technologies mobiles les plus avancés.
L’Unité de renseignement militaire 81, en collaboration avec le ministère israélien de la Santé, a commencé à travailler sur l’adaptation du dispositif de ventilation électronique à domicile BiPAP, à fabriquer des masques de protection pour le personnel médical et à customiser des ambulances pour le transport sécurisé des patients Corona.

Le groupe de défense national IAI, Israel Aircraft Industry a converti l’une de ses usines et a commencé à produire 50 à 100 machines/jour. Pour contourner les contraintes administratives du ministère de la Santé, la Défense s’était engagée début mars à acheter 2500 ventilateurs, localisés avec l’aide dirigeants de la communauté high-tech, qui ont activé leurs réseaux mondiaux. (pas d’infos depuis)

Le Mossad a mis en place une cellule de crise pour l’achat de fournitures médicales. La réputation du Mossad sera-telle à la hauteur de cette opération où tous les coups semblent permis dans ce marché de sauvages. Certains échecs et dysfonctionnements ont fait leur chemin dans les médias, comme la commande de 100 000 tests incomplets – pour lesquels Nova Med, basée à Jérusalem, devra fabriquer le composant manquant.

 

Situation économique

Au 02.04.20, le taux de chômage explose à 25%. L’écrasante majorité (90%) des nouveaux arrivants sont en congé sans solde, comptabilisés et pris en charge par l’Etat. Le chômage était jusqu’ici l’un des plus bas du monde, avoisinant les 4% structurels.

Comme dans beaucoup d’autres pays, le gouvernement israélien renforce et maintient les mesures d’urgence et de confinement en attendant de voir la courbe infectieuse s’aplatir. L’activité est limitée aux activités les plus essentielles tel les magasins d’alimentation et de médicaments, le secteur du bâtiment, des entreprises stratégiques telles que les services publics, la pharmacie et la R&D. Les établissements culturels et de loisir ainsi que les écoles et universités ont été fermés suite à l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes.

Israël a été frappé par l’urgence alors que son économie affichait croissance soutenue et monnaie forte. Cependant, le gouvernement provisoire n’avait pas pu adopter de budget et avait déjà creusé le déficit. Comme ailleurs, Israël s’attend à un fort ralentissement de la productivité dû à la baisse de la demande et à la chute des marchés financiers. Celles-ci seront liées aux restrictions de main-d’œuvre, à la fermeture de l’industrie du tourisme (à laquelle Israël est très exposé), aux transports publics limités, à la fermeture du système éducatif et des services non essentiels, et surtout à l’arrêt en cours de pans entiers de son économie.

En dépit de l’émergence du Corona, l’agence de rating S&P a renouvelé sa notation AA- avec une perspective stable, et prévu de manière optimiste une croissance a minima pour 2020. D’après S&P, seul un événement supplémentaire géopolitique ou lié par exemple au secteur immobilier pourrait entraîner une croissance négative de l’économie israélienne.

Les transports publics sont progressivement réduits à leur minimum. Après avoir fermé l’ensemble du réseau ferroviaire du pays, le ministère des transports a décidé de profiter de la paralysie pour accélérer ses travaux d’extension, de maintenance et d’électrification. C’est une bonne nouvelle, car l’indigence des infrastructures a été identifiée comme le principal goulot d’étranglement de la dynamique israélienne, qui se classe au premier rang des embouteillages dans les pays de l’OCDE.

Annoncé le 23 mars, la Banque d’Israël achète 50 milliards de shekels d’obligations d’État afin d’assouplir les conditions de crédit dans l’économie et de soutenir l’activité économique Le Shekel rebondit de 10% face au Dollar et à l’Euro, à son niveau d’avant Corona.

Suite à l’annonce d’un gouvernement d’Union nationale le 26 mars, le paquet gouvernemental Corona est adopté du jour au lendemain. Les Israéliens se réveillent avec 8 milliards de shekels (2 milliards d’euros) pour financer le chômage et soutenir les PME sur trois mois. Ces 8 milliards font place à 80 milliards 4 jours plus tard dans une surenchère non concertée… (voir en introduction), représentant un effort de 6% du PNB. Les travailleurs indépendants bénéficieront également d’une aide directe de 6 000 NIS (1 666 $) au cours des deux prochains mois. Une réserve de 7 milliards est créée pour prévenir les défaillances d’entreprises et investir massivement dans les secteurs de relance comme les infrastructures et le bâtiment. 

 

L’Innovation face au Corona 

On dit des Israéliens qu’ils trouvent d’abord la solution et cherchent ensuite à quel problème ça peut servir. Lorsque le Corona est venu frapper à sa porte, la Startup nation a déployé tout ce qui a fait son succès. Son agilité, son esprit de coopération et d’entraide.  Au-delà de sa recherche de pointe en biotech, les entreprises israéliennes s’appuient sur leur suprématie en matière de géolocalisation, big data, systèmes de vision, cyber, etc. pour proposer des solutions de prédiction, détection et surveillance, tandis que d’autres s’appuient sur l’impression 3D et des matériaux innovants pour apporter des solutions d’urgence « quick-and-dirty »

iKare Innovation est spécialisée dans le montage de partenariats technologiques. Nous redoublons d’efforts pour stimuler les projets entre les innovations israéliennes « Corona-compatibles » et les partenaires industriels potentiels à l’étranger. La liste des startups israéliennes sur le champ de bataille du Corona serait trop longue pour cet article. Mentionnons deux projets stratégiques dans lesquels iKare Innovation s’implique et qui pourraient changer la donne pour tous :

  • Nanoscent met actuellement en œuvre son cœur de technologie pour détecter les traces de germes dans l’air que nous expulsons, afin de fournir des tests de moins de deux minutes au cours des prochains mois. Ce type de solution sera essentiel à la reprise des affaires et à la réouverture des sites et transports publics.
  • Pluristem vient de recevoir le feu vert du ministère israélien de la Santé et a entamer de traitement d’une cohorte de patients COVID-19 pour un usage compassionnel. Leur « booster » de cellules souches sera injectée comme traitement de la pneumonie sévère résultant du COVID-19, renforçant la réponse immunitaire. Pluristem prévoit d’étendre son plan de développement en Europe et aux Etats-Unis.

Beaucoup d’espoir est placé dans le secteur de la santé innovant israélien, Israël accueillant certaines des plus grandes entreprises et instituts de recherche du monde qui participent actuellement à la course mondiale pour le développement de vaccins et de traitements.

L’Institut Weizmann, leader mondial en biologie et health science a mobilisé toutes ses ressources et infrastructures diagnostiques pour créer des laboratoires et soutenir l’accélération de la campagne de détection.

Les hôpitaux se tournent vers le crowdsourcing et l’impression 3D dans un contexte de pénurie d’équipements.

Un «HackCorona» virtuel a été organisé du 19 au 20 mars par Birthright Excel en collaboration avec le MIT et la 8200 Alumni Association, afin d’atténuer les restrictions imposées par le gouvernement pour contrôler la propagation du nouveau coronavirus.

C’est tout l’écosystème de l’innovation israélien qui est occupé à répondre aux différents Appels à projets. Nationaux, européens et bilatéraux. L’Autorité de l’innovation a lancé un appel à propositions pour la prévention et le traitement du COVID-19 (Coronavirus).

Israël étant associé aux programmes de recherche européens, les entreprises israéliennes figurent parmi les principaux bénéficiaires depuis des décennies.

La semaine dernière, l’UE a débloqué 164 millions d’euros, invitant les startups et PME dotées de solutions Coronavirus à postuler dans une procédure accélérée, pour traiter, tester, surveiller et contrer l’épidémie de coronavirus.

 

L’innovation business en continu : levées de fonds /exits

Une enquête menée par la startup israélienne Wizer sur 131 fonds de capital-risque avec plus d’un milliard de dollars d’actifs sous gestion montre que 32% comptent réduire leurs investissements, 25% ont l’intention de les mettre à l’arrêt, tandis que 17% ont déclaré qu’ils continueraient business as usual. Seuls 5% des fonds ont déclaré prévoir augmenter leur activité, et les 21% restants ne savaient pas comment leur activité serait affectée.

  • Côté exits, les affaires se poursuivaient jusqu’il y a peu, avec Checkmarx, entreprise de sécurité israélienne cédée le 16 mars à Hellman & Friedman, une société de private equity sur la base d’une valorisation inchangée de 1,15 milliard de dollars, malgré la pandémie déjà déclarée.
  • Quant aux VC, la société de capital-risque Pitango, l’un des principales d’Israël, a levé cette semaine 250 millions USD pour son nouveau fonds de croissance. Pitango a investi dans plus de 250 entreprises à ce jour et possède 2,3 milliards de dollars d’actifs sous gestion.
  • Le 26 mars, c’est Pyramid Analytics qui close son round de $25M.
  • Mais en attendant la reprise, la plupart des startups tentent de retarder leurs Rounds afin de préserver leurs valorisations, en recherchant d’autres formes de financement provisoires non dilutives.

 

Initiatives du secteur privé ?

En comparaison avec les autres composantes de la société israélienne et à ses homologues des autres pays, le secteur des affaires, caractérisé par la taille moyenne de ses entreprises, reste relativement silencieux. Teva, l’un des rares géants israéliens, a annoncé qu’il ferait don de sulfate d’hydroxychloroquine aux hôpitaux… américains. Plus de 10 millions de comprimés devraient être expédiés d’ici un mois. Nous pouvons présumer que Teva aidera également Israël, qui vient d’ouvrir la voie à l’utilisation de la chloroquine par sous certaines conditions le 26 mars.

La société israélienne d’ADN et de généalogie MyHeritage a annoncé vendredi soir qu’elle travaillerait avec le géant chinois de la génomique BGI pour construire une gigantesque installation de tests d’urgence qui permettra à Israël d’effectuer dix mille tests supplémentaires de coronavirus par jour. Le ministère de la Santé s’est empressé de la brider. Reste à espérer un déblocage prochain, le matériel ayant déjà pris la mer. Le laboratoire devait être achevé le 9 avril et rapidement doubler sa capacité à près de 20,000 tests par jour. « Notre objectif n’est pas de nous enrichir, mais de bénéficier à l’humanité. C’est le moment pour l’industrie israélienne de haute technologie de briller », a déclaré le PDG Gilad Japhet. MyHeritage est connu pour ses nombreuses initiatives philanthropiques à travers le monde.

JVP, le VC israélien basé à Jérusalem, a lancé l’initiative « The corona wakeup call », une première conférence virtuelle sur la crise de covid-19 exploitant la technologie et l’innovation pour aider à combattre la propagation de covid-19.

Enfin, le fournisseur israélien de respirateurs Inovytec fournira au ministère de la Défense 1000 appareils respiratoires dans le cadre du processus d’équipement d’urgence. 9 

 

Conclusion

Dans cette course mondiale contre le virus, l’avantage des humains réside dans notre capacité à échanger de l’information à la vitesse du numérique. La peste noire a mis 10 ans à traverser la planète et a décimé jusqu’à la moitié de la population européenne. Faute d’information, faute de science et faute de coopération. 

Au Moyen-Orient, cette coopération s’est mise en place en faveur d’échanges de matériel et d’informations, entre Israël, territoires palestiniens et pays arabes.

Compte tenu de la crise politique et institutionnelle actuelle, la confiance des Israéliens tient jusqu’à présent la route. Les fakes news, les revirements ou trahisons qui ont caractérisé les campagnes politiques, les manipulations, la volonté délibérée de monter les différentes composantes de la population les unes contre les autres pour se maintenir au pouvoir, n’a pour l’instant pas eu raison du pays. Le gouvernement d’unité nationale qui est en train de se composer est de nature à aider Israël à surmonter la crise économique et sanitaire, et pourrait se révéler une occasion unique de remettre à niveau OCDE les allocations budgétaires en matière de santé, de social et d’infrastructure qui ont souffert de décennies d’abus et de mauvais traitements. Accessoirement, il sauve in extremis le magicien Netanyahu, Premier ministre depuis 2009, du procès qui devait s’ouvrir… le 17 mars.

Sur le plan de la sécurité sanitaire, Israël ne s’en sort pas trop mal pour l’instant. Un classement vient d’être publié par le Deep Knowledge Group, la plaçant même en tête. C’est à mettre sur le compte de la résilience du personnel de santé, de sa société civile et de son administration.

Entre santé et vie privée, entre mainmise du pouvoir et responsabilisation individuelle, Israël n’a pas encore choisi. Les instances juridiques affaiblies par les tentatives incessantes des dernières années tentent d’encadrer la révolution en marche. 

Et qu’en est-il de la Cyber dont Israël est le champion mondial ? 20 à 25% des cyber solutions viennent d’Israël. Classifiées comme essentielles, les cyber-entreprises israéliennes travaillent sans relâche pour faire face aux nouvelles vulnérabilités créées par le contrôle à distance de l’ensemble des activités. Nous pouvons bien être confinés, mais nos données sont plus mobiles que jamais. Une Bonanza pour les méchants pirates.

L’écosystème des startups israéliennes vient d’enregistrer plusieurs années de record d’investissements et d’exits. Agiles et vigoureux, s’adaptant à la nouvelle situation, réduisant le rythme des dépenses, se concentrant sur la recherche de solutions et avançant en mode commando, l’économie immatérielle d’Israël bénéficie des atouts exceptionnels de la Startup Nation pour assurer sa résilience.

Nous ne savons pas à quoi ressemblera le monde de demain. Mais nous pouvons imaginer qu’il sera fait de présence et d’expériences virtuelles, de contrôle à distance et de contrôle tout court, de télétravail et de vulnérabilités accrues dans la transmission de données, et que l’économie dématérialisée d’Israël y trouvera de quoi rebondir.

 

L’auteure est CEO d’iKare Innovation, Ambassadrice d’InnoCherche
et présidente des Conseillers du Commerce extérieur de la France en Israël
le 5 avril 2020

Pour toute question ou remarque : Anne.baer@ikare-innovation.com