Megatrends “post covid” (⅜) :   Résilience

Résilience et Supply Chain “à la bonne maille” – Subsidiarité

Après les épisodes de guerre commerciale depuis l’élection de Trump, qui ont mis à mal les supply Chain dans le domaine électronique (lire l’article sur la fin de la globaltech), ce nouvel épisode de crise d’approvisionnement, cette fois sur du matériel essentiel, va forcer toutes les entreprises à repenser leur organisation basée sur des partenariats et une Supply Chain internationale trop globalisée et pas si robuste que cela.

Tout le monde aujourd’hui ironise et appelle simplement au “retour au bon sens”. Les décisions d’hier étaient basées sur le bon sens de l’époque avec d’autres priorités qui privilégiaient le développement économique et l’optimisation du profit… au détriment de la résilience… y compris au sommet de l’état Français à propos des masques.

Dans tous les scénarios du futur, il faudra toujours penser “à la bonne maille” à laquelle ces décisions doivent être prises, que ce soit pour les entreprises, les administrations et le gouvernement. 

Contexte

Après des décennies de mondialisation heureuse, des voix de plus en plus nombreuses s’étaient élevés sur les conséquences désastreuses de ce nouvel ordre mondial basé sur une forme de division internationale du travail chère aux économistes néo-libéraux, avec une vision court terme.  (…)

Avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et de Xi Jiping, la concurrence exacerbée entre les grandes puissances est devenue évidente aux yeux de tous. Toutefois, on n’avait pas toujours pris la mesure de ce que représentait l’interdépendance entre toutes les économies.   Trump a imposé des négociations musclées à tous les grands partenaires commerciaux des Etats-Unis à commencer par la Chine et l’Europe, en passant par les Etats voisins de l’Alena. La bataille homérique autour de la 5G a mis en tension la supply Chain dans le domaine électronique (lire notre article sur la fin de la globaltech). 

Le blocage mondial actuel des usines va obliger les entreprises à reconsidérer complètement leur partenariats et leur chaîne d’approvisionnement pour développer ce qu’on pourrait appeler une logistique « à tolérance de panne » en empruntant ce vocabulaire à l’informatique lorsqu’on veut dire qu’elle peut résister à l’arrêt de l’un ou de plusieurs datacenters. 

L’optimisation des chaînes logistiques répondaient à l’optimisation des coûts à l’échelle mondial.  On découvre aujourd’hui que cette logique était contraire au principe de résilience. Que dire de la 6ème puissance économique du Monde comme la France qui se retrouve démunie pour distribuer de simples masques en coton de cellulose à sa population pour les protéger d’un virus mortel… parce qu’elle a pensé il y a quelques années qu’elle pouvait faire des économies en se débarrassant de ses stocks et en ayant recours en cas d’urgence à une supply chain mondialisée.

Ces révisions déchirantes arrivent en échos avec la demande croissante de la société civile à accéder à des produits en circuit court. Manger des fruits et légumes de saison, acheter directement aux petits producteurs, réduire sa consommation en volume mais manger des produits de meilleure qualité. On peut parier que les circuits courts vont connaître un développement rapide. La grande distribution qui était en difficulté avant la crise sanitaire, l’avait bien compris en développant des filières d’approvisionnement auprès de petits producteurs et en privilégiant des circuits courts (Moins de 250 kms autour du lieu de consommation). A titre de comparaison, les ingrédients d’un yaourt industriel parcourt plus de  9115 kilomètres avant de se retrouver dans le frigo du consommateur. 

Ces deux megatrends de renforcement de la capacité de résilience et de privilégier les circuits courts obligeront les grandes entreprises internationales à revoir leurs stratégies d’approvisionnement. Dans les scénarios du futur, il faudra toujours penser “à la bonne maille” à laquelle ces décisions doivent être prises, que ce soit pour les entreprises, les administrations et le gouvernement. L’intérêt d’une entreprise n’est pas forcément l’intérêt de la région où elle est implantée ni l’intérêt du pays où se situe le siège social de la société.  Lorsque l’Etat français a laissé la dernière usine française de fabrication de masque fermer, ce n’était favorable ni à la résilience de la France, ni de la Bretagne où était située l’usine en question. Cette usine avait été fermée après avoir été rachetée par une multinationale américaine qui avait préféré faire fabriquer les masques dans un pays à faibles coûts de main d’œuvre.

Que doit penser le citoyen lorsqu’il constate que l’accès à un simple moyen de protection comme un masque en tissu est devenu un enjeu géopolitique. Comment peut-il accepter notre faiblesse face à la Turquie qui n’a pas hésité à bloquer aux douanes des millions de masques commandés par l’Italie pour mieux faire pression sur l’Europe dans le conflit qui opposait la Turquie à la Syrie. Cette décision de la Turquie a probablement provoqué la mort d’Italiens qui n’ont pas pu se protéger. Par transitivité, l’optimisation des coûts décidée par une multinationale a abouti à la mort de milliers d’Européens. C’est tout le projet européen qui s’en trouve déstabilisé par la simple fermeture d’une usine en Bretagne et, au-delà par l’incapacité des dirigeants à faire prévaloir l’intérêt national sur des intérêt économiques à court terme. 

Comment imaginer que les Etats européens ne vont pas en tirer des conséquences pour les années avenir. A minima, on peut s’attendre à une analyse approfondie des filières industrielles qui représentent un sujet d’intérêt national comme l’ont fait les Etats-Unis d’Amérique.

Grâce à Dieu, en cas de crise des savoir-faire renaissent et le bon sens permet de redémarrer des productions locales, mais avec un certain délai.

Bien sûr la bonne maille de décision n’est pas la même pour tous les pays car il faut tenir compte de la dimension culturelle et historique. L’Allemagne est une nation fédérale avec des régions puissantes et autonomes (les Landers). En France, c’est le roi de France et les jacobins sous la révolution qui ont hypertrophié la capitale au détriment des régions. Dans un pays aussi vaste que les Etats-Unis, le confinement sans voiture mettrait en danger des millions de personnes qui ne peuvent pas accéder à un magasin d’alimentation sans leur voiture. Ainsi après 15 jours de confinement à New York, on constate  une baisse de trafic de 50 %  (cf article NY Times) alors qu’elle est de 70% en Europe.